Past ★ Toute ma vie j'ai rempli mon caddie d'illusions (noctae) Un an et demi en arrière.
Les heures sombres. Elles défilent, s'échappent et disparaissent au son d'une voix cassée. Elles s'étendent parfois à l'infini, mais elles finissent par mourir. Dans un silence. Dans l'oubli. Perchée sur la scène, tu vois le bouquet final arriver. Clôturant cette soirée. Cette énième nuit, mais les heures sont encore longues. Avant que l'orbe solaire ne revienne. Avant que la lumière du jour ne filtre à travers les fenêtres. Et tu sais, Brune, qu'il t'attend quelque part. Il t'attend au tournant. Au coin d'une ruelle. À l’affût de la moindre erreur.
Plus de six mois. Le temps a passé.
Depuis cette nuit-là. Depuis cette seconde où tu as senti la lame froide transpercer ta chair. Depuis cet instant où tu as croisé ses yeux dans la ruelle. Plus de six mois sont passés depuis. Depuis cette cautérisation extrême. Plus de six mois. Cela te paraît être une éternité alors qu'il suit encore tes pas. Alors qu'il reste dans ton ombre. Tu sens son regard peser sur tes épaules. Sa présence partout. Il te terrifie. Encore aujourd'hui, malgré la venue de Caleb la dernière fois. Il t'étouffe. En silence, il te ronge. Respire, Brune. Tu en oublies de dormir correctement. De trouver la porte de secours pour t'échapper. De te détendre. De vivre simplement. Ce soir, alors que le rideau tombe, tu ne veux pas rentrer. Tu ne veux pas dormir. Tu cherches seulement à oublier.
Rien qu'une seconde. Un bref moment.
La salle se vide. Les ivrognes notoires rentrent chez eux. Les égarés retournent à leur vie. Et toi. Tu erres. Une main glissant sur le bar. Le patron s'en est allé. Il sait que tu fermeras derrière lui. Il a confiance en toi. Ce soir, tu aurais presque souhaité avoir un ivrogne à dégager. De ceux qui sont obligés de prendre la porte à grands coups de pied. Ce soir, oui, tu aurais voulu défouler se stresse sur quelqu'un. Mais rien. Il n'y a plus personne ici. C'est si... triste. Tu soupires lourdement. Visiblement fatigué. Usé. Et tu viens éteindre les dernières lumières qu'ils restent encore. Il n'y a plus personne. Qu'il ne vienne pas. Par pitié. C'est tout ce à quoi tu penses alors que tu sors le whisky. C'est rare de te voir boire seule. De te voir prendre une bouteille entière. C'est rare voire impossible. Et pourtant, tu l'as tiens fermement, l'agrippant de toutes tes forces. C'est ton refuge pour cette nuit. Oublier dans l'alcool. Au lieu d'affronter la réalité.
Tu bois. Un verre tout d'abord. Restant accoudé au bar, tu en prends un deuxième bien rapidement. Les yeux vagues. Les idées pas claires. Tu ne sais pas ce que tu fais. Où tu vas. Ce que tu veux. Lassée, tu viens t'allonger sur la scène, la bouteille en main. Il n'y a plus besoin du verre. Tout est si calme. C'est pesant. Un grand malaise te dévore lentement. Tu n'entends rien. Plus un bruit. La psychose. Parce que tu viens à penser qu'il est là. À nouveau, il te voit. Inspire, Brune. Tu te redresses comme pour vérifier. Regardant de la scène, la seule fenêtre qui t'offre une vue dehors. Rien. Seuls des ombres qui dansent au gré du vent. Ça ne va pas. Et tu en viens à penser à qui te raccrocher. Caleb. Navi. Aldrick. Le doc. Ou... lui. Tu ne sais pas si c'est le meilleur choix, mais pourtant c'est bien lui que tu contactes. Lui soufflant seulement un « Tu veux pas venir boire avec moi ? Je suis au bar. » d'une voix morne.
Un murmure, glissé dans la nuit, comme une confession sur l'oreiller. Pas un mot, juste ton souffle qui s'écrase sur le verre de ton téléphone avant de raccrocher. Une simple requête qui se glisse de ton oreille à ton encéphale pour envelopper chaque parcelle de ta cognition. C'est si simple, trivial à en chialer. Juste, viens. Pour rien, une quête de compagnie, d'approbation dans la décision discutable de se noyer dans un verre.
Osef. C'est comme une litanie qui sautille de synapse en synapse. Nihiliste dans l'âme, tu contemple les cigarettes s'accumuler sur un autel de cendres destiné à invoquer le cancer. Dix? Vingt? Peut être trente. Qu'importe. Tu balances la dernière en observant distraitement la traînée fantomatique qu'elle laisse sur son passage. Encore un bout de vie qui se fait la malle. Ton autre main s'agite dans un crissement irritant issu des ébats entre la mine d'un crayon et un ticket de caisse, tentant désespérément de donner vie à quelque chose de regardable, en vain. Ça n'a jamais été ton truc, le dessin. Faut dire que tu ne t'y es jamais vraiment intéressé. C'est sur une impulsion que tu as entrepris de coucher tes idées sur papier, de rendre matérielles les images qui dansent dans ton esprit. Tu aurais pu faire de tes idées des vérités, tenir le monde au bout d'une mine, il suffit de si peu pour tout avoir, mais t'en as pas grand chose à faire de la réalité. Blasé par la vie avant l'âge, t'aspires pas à grand chose si ça n'est à observer les individus qui se débattent autour de ton immobilité, tentant désespérément d'exister en dehors des verres qu'elles enquillent pour oublier qu'on les oubliera aussi.
Comme Elle. Et pourtant t'es là, à mettre un tour de clef dans la serrure avant de tourner les talons pour t'engouffrer sous la lumière artificielle de la ville. Un simple cliquetis sonnant le coup de départ et tu tournes les talons pour t'engouffrer dans les ruelles animées par les dernières esprits embrumés, encore prisonniers du dernier verre de la soirée. Un léger sourire vient ourler tes lèvres alors que tu observes les quelques bribes de cognition guidant leurs pas. Tu as toujours trouvé fascinante la propension humaine à fuir la réalité. Te demandant à quoi peuvent bien pensées ces âmes perdues dans leur dernier élan de lucidité de la journée. Être ou ne pas être, là est la question. Cette interrogation introspective nous embobine, nous tourmente, car que sont les gens s’ils ne sont pas que des fourmis ouvrières esclaves de la société qui les domine ?
Ton psy aurait rit aux éclats, te voyant enfin emprunter les sillons qu'il voulait tracer pour ta cognition, la canaliser pour te convaincre que rien n'était ta faute, que tout était du à tes parents, à ces livres que tu as lu trop jeune, à ces propos simplifiés et banalisés. Pour te persuader que tu pouvais être sauvé. Mais encore fallait-il le vouloir. Tu aimes être Chess, tu aimes ne pas être. Et pourtant, cette fois l'envie de la retrouver t'anime. Curiosité. Tu te rends au lieu indiqué sans vraiment réfléchir. Après tout, tu n'as pas particulièrement envie de rentrer alors pourquoi pas en profiter pour prendre l'air et par la même occasion t'offrir un spectacle amusant.
Brunehilde. Cette voix qui avait quelques soirs captivé le cœur de tes clients, qui les avait détournés de toi pour qu'ils se laissent analyser. Cette créature envoûtante qui affichait une carapace de force pour cacher ses fêlures. Classique. Pourtant, c'est vers elle que tu vas ce soir plutôt que de coincer un jeunot dans une ruelle pour te marrer un coup. Elle venait sciemment - ou presque, l'alcool biaisant toute notion de volonté - de t'appeler, toi, Chess, l'observateur, pour l'accompagner. Comme si elle recherchait une présence qui n'en soit pas une, qu'elle recherchait une quelconque chaleur tout en appelant la seule personne qui serait incapable de lui en donner. Comme une garantie de ne pas pouvoir sombrer et regretter ce qu'elle pourrait faire ou dire. Parce que t'es rien Chess, ni pour elle, ni pour personne. Étrangement c'est ce qui semble l'avoir poussée vers toi ce soir. La certitude qu'aucun lien ne se créera entre vous juste en raison d'un échange débile un soir d'ivresse.
La plupart des humains que tu as pu côtoyer cherchaient des liens, même Not n'avait de cesse que de chercher un écho en toi. Cette femme semblait ne rien attendre de toi, alors pourquoi appeler. Tu ne comprends pas. Le silence et une foulée de pensées contemplatives perlant comme des dents à l’orée d’une bouche entrouverte, tu l'observes. Tapis près de l'embrasure menant à l'intérieur du bar, vidé, jusqu'à ce que tu l'encombres de ta présence, la fixant. Sa chevelure orangée cascadant sur son dos, quelques cadavres s'agglutinant sur le comptoir. Un ricanement mauvais retentit dans l'obscurité avant que tu ne réduises la distance vous séparant en quelques enjambées pour t'emparer de son verre et de l'engloutir sans cérémonies. Après tout, c'est pour ça que t'es là. Tu la scrutes un moment et finis par reposer le verre sur le comptoir avant de t'installer sur une chaise.
- T'as rien de plus fort ?
T'as une lueur de provocation dans le regard, tendant le verre que tu lui as subtilisé, bien conscient du fait qu'elle n'appréciait guère les rapprochements. T'as pu l'observer, un peu. Même si t'es pas sûr de tout, t'as cerné les grandes lignes. Elle t'as invoqué. T'es bien décidé à la faire chier maintenant. Faut dire qu'il est rare qu'on cherche ta présence. Puis si elle t'as fait perdre ton temps... Tu trouveras bien un moyen de t'occuper autrement.
Past ★ Toute ma vie j'ai rempli mon caddie d'illusions (noctae) Dans la pénombre, le néant t'englobe. Il te dévore alors que tu patientes. Que tu attends sagement sa venue. Son secours silencieux. Il ne s'en rendra pas compte. Jamais probablement, mais il va t'aider. Par sa seule présence. Les mots ne sont pas nécessaires, ils ne durent jamais. Ils se meurent simplement. Un jour ou l'autre, on fini par les effacer. Ce soir, ce que vous direz n'aura influence sur demain. Tu le crois. Au fond, tu ne sais pas. L'alcool est un refuge qui peut être complexe. Il peut vite déraper. Emmener l'homme dans un endroit qu'il n'aurait jamais souhaité. Il désinhibe seulement. L'espace de quelques instants. Dès lors, la suite des événements est un secret. Un mystère. Quelque chose que l'on ne saura jamais avant d'y être confronté. Cette nuit, c'est à lui que tu te confronte, Brune.
Pour ne pas être seule. Face à ton démon.
Tu te redresses de ton perchoir, retournant au bar. Lentement, tu vagabondes jusqu'à t'y asseoir. Le temps passe. Il défile. Il s'éternise et tu soupires avant de l'entendre. La porte s'ouvre, un ricanement mauvais retentit et tu sais. Que tu n'as pas besoin de te retourner pour savoir qui vient d'entrer. Que tu n'as pas besoin d'entrer dans ta psychose. Ce n'est que lui. Ewen. Le verre s'échappe du bout de tes doigts pour rejoindre ses lèvres. Machinalement, tu observes son trajet avant de laisser sa voix t'insuffler de la vie. « Ne pique pas mon verre si ce n'est pas assez fort pour toi ! » un râlement vain. Il est ici pour s'amuser. Comme toujours. À tes frais. Comme souvent. Et tu le laisses pénétrer tes défenses jusqu'à en être agacée. Sans pour autant t'en aller.
Un énervement comme un appel. Irrésistible.
Sans un mot, tu te redresses finalement. Le contournant dans un frôlement bref. Ce soir, tu ne cherches pas l'affection. Tu ne cherches pas la chaleur. Tu cherches la vie. Un souffle de vie. Les talons claquent au sol en passant le bar, inversant vos positions habituelles. « Tu veux quoi ? Si le whisky n'est pas assez bien pour toi. » tu avais un léger doute quant à sa venue ce soir. Tu y songes un instant en le fixant longuement. C'est sa curiosité qui a guidé ses pas ici. Tu le sais parfaitement, Brune, mais tu doutes de pouvoir l'épancher cette nuit. Soupire, Brune. Les bouteilles se dévoilent sous le bois massif. Tu te penches pour les voir. Attendant une réponse de sa part. Laissant tes doigts courir sur les étiquettes et la froideur de celles-ci. Tu ne sais pas ce que tu fais encore ici. Tu ne sais pas pourquoi lui. « Je ne m'attendais pas à ce que tu viennes vraiment... » quand tu y penses. Depuis un moment maintenant, il doit bien se douter que tu ne dis rien. Rien de plus que ce qui est nécessaire. Préférant laisser les démons en sûreté dans un coin de ta tête. À l'abri des regards indiscrets. Les laissant ainsi se cultiver entre eux jusqu'à te ronger. Abominablement humaine. Pitoyablement faible.
Le choc du verre et du bois. Une bouteille. Deux. Trois. Elles se posent soudainement sous ses yeux. Qu'il puisse choisir de lui-même. Celles qui te passent sous la main rejoignent les précédentes. Une à une. Lorsque la dernière tombe, tu te redresses pour le voir. « Alors ?... J'ai une bouteille à boire aussi, donc décide-toi. » que tu laisses échapper.
Elle proteste, encore un râle qui se perd dans le vide, une protestation vide de toute intention, juste lancée en preuve de son existence, un cri dans le vide qui l'anime. Il t'arrache un léger rictus. Son humanité t'exaspère autant qu'elle te fascine. Cette créature qui se tient à tes côtés, que tu as rejoint pour te gaver de sa noirceur, dans ses heures les plus sombres. T'en veux plus, l'agacer d'avantage, l'exaspérer. Faire tomber ses barrière et révéler son essence, cette laideur qui se cache en chacun. Réconfortante, ennivrante, bien plus que le liquide ambré qui coule dans ton oesophage. Tu veux t'y retrouver, retrouver cette humanité, cette faiblesse, la voir se briser sur le coup de la colère. La laisser combler la vacuité qui vous envahit l'espace d'un instant. Un frisson te parcourt l'échine à cette simple idée. Tu passes machinalement ta langue sur tes lèvres pour venir recueillir une goutte de liquide perlant sur tes lèvres. T'en veux plus. Vorace créature, avide d'observation. Te gaver de son absurdité, à ten faire gerber. Comme toi, elle se gave, tentant de déloger son araignée au plafond alors que toi, tu ne cherches qu'à l'alimenter. Cette omniprésente entité qui s'est emparée de son être, qui vibre dans chacune de ses cellules, ce mal qui la pousse à endormir ce qu'elle est car en grande partie elle n'est plus que ça. L'ombre de ses mésaventures, incapable de retrouver un semblant de consistance malgré les apparences. Tu la toises de ton regard gelé lorsque son corps entre en contact avec le tien. Bref, juste une petite pique en réponse au contact de tantôt, comme une réponse à ton défi. Un "Tu ne me fais rien" sourd-muet. Ou autre chose...
Elle prend place derrière le bar, grognant tout en s'exécutant, elle repousse en appelant. La gigue absurde de l'humanité se confrontant à une dignité mal placée. L'Homme est un paradoxe fascinant. Tu restes silencieux, sans lui donner de réponse, tu t'en fous, t'es pas là pour ça. Sa voix te sort te ton introspection muette alors qu'elle t'intime qu'elle ne s'attendait pas à ta venue. Toi non plus. C'est presque dérangeant de se retrouver de ce côté du comptoir, presque, si elle s'intéressait un tant soit peu à toi, mais ça n'est pas le cas. Tu n'es là que pour contrebalancer l'omniprésence de l"Autre", créer un petit espace dénué de sa présence pour qu'elle puisse respirer. Tu l'envies, cet Autre, celui dont la présence guide les pensées et la plupart des gestes de cette femme. Ça doit être terriblement grisant comme sensation... Tu aimerais le rencontrer, lui demander, ce que ça fait de posséder une personne. Parce que c'est un peu ça dans le fond... Sans l'avoir dans ses bras, ou wathever il peut bien lui vouloir... Il fait partie d'elle, probablement à jamais. L'Homme à cette étrange tendance à s'accrocher à ses démons, à les nourrir plutôt que de les abandonner, comme s'ils craignaient que dans l'après il ne reste que le vide. Et toi, Chess? Après tout, c'est l'origine même de ton obsession pour Aliss, la passerelle vers un monde fantastiquement improbable qui t'as tourné vers cette humanité que tu haïssait tant. Tu es en plein dans l'après comblé par de nouvelles idoles, bien plus nocives que les bouteilles qui se dressent face à toi.
- T'es foutrement belle... lorsque tu cherches les bribes de ton être au fond de ton verre...
C'est sorti tout seul. Tu hausses un sourcil, amusé, laissant ton regard basculer des bouteilles à son visage rosi par la boisson. D'un mouvement brusque, tu te redresses, te penchant sur elle pour t'emparer de son menton, pressant ton pousse sur ses lèvres se blanchissant sous la pression. C'est ça que tu veux, l'impreigner de ton être, comme il l'a fait, prendre cette place privilégiée.
- ... Décomposer son esprit pour le reconstituer... Tenter désespérément de regrouper les miettes encore intactes et de les accumuler à la surface pour cacher toute la laideur qui s'y terre... - Ton regard se plonge dans le sien. - Montre moi...
Tu veux comprendre... Ça te bouffe, tu veux voir ce qu'il se passe dans son esprit. Disséquer son encéphale pour observer les batailles qu'elle y livre. Décortiquer chaque pensée... Ce soir, tu te sens l'âme d'un aventurier prêt à déterrer les plus beaux trésors. Tu la relâche pour t'emparer d'un verre et de deux bouteilles, rhum et tequila. D'un geste parfaitement maîtrisé tu ouvres les bouteilles pour en verser une quantité égale dans le verre. Bonjour le mélange contre nature. Mais encore une fois, tu t'en fous. Tu te contentes d'observer les liquides se mélanger, les éclats ambrés se délavant dans un flot chaotique.
Past ★ Toute ma vie j'ai rempli mon caddie d'illusions (noctae) C'est le silence. Il n'est pas oppressant. Il n'est pas dérangeant. Il t'agace seulement. Parce que ce sont des questions sans réponses. Il ne dit rien. Se contentant d'observer. Les faits et gestes qui défilent sous ses yeux. Les tiens. Tu le savais bien. Qu'il n'était là que pour ça. Soupirant lourdement, tu patientes. Le laissant à ses pensées un instant. Le fixant, toi aussi. Pour changer un peu. Tu essayes de comprendre l'espace d'une seconde. L'espace d'un instant. Qu'est-ce qu'il cherche en venant ici ? De la distraction ou plus que cela ? Tu ne sais pas. Tu ne sauras jamais. En réalité, vous ne savez pas grand chose de l'autre. Dans le fond des choses. C'est vide tout cela. Un nouveau soupire. Exaspéré du silence qui s'éternise.
Il devient difficile. Parce que tu ne sais que dire.
Et tu t'apprête à dire quelque chose. Encore. Et tu te figes finalement. Sa voix retenti. Ses mots viennent chatouiller ton oreille. Te laissant perplexe. Plus que cela même. Il y a une réaction qui souhaiterait s'interposer, mais rien. Tu ne sais pas comment réagir. Il se redresse, touche ton menton, tes lèvres. Et tu ne dis rien. Le fixant seulement, perdue. Ses mots te vrillent le cerveau. Il veut voir. La noirceur qui habite tes pensées. Qui habille tes soirées. Tes nuits entières. Il veut te voir au fond du trou. Te voir craquer. Il veut s'amuser de ce qui reste encore. De toi, Brune. S'il reste encore quelque chose. Des miettes de vie. C'est ce qu'il désire avant de te lâcher. De mélanger les alcools. Pendant une seconde, tu restes là. Debout bêtement. Tu le regardes mélanger les liquides et tu viens t’emparer de ta bouteille. À même le goulot, tu bois. Jusqu'à te sentir vaciller. La reposant lourdement sur le bois. « Ne me touche pas comme bon te semble... même si j'imagine que je dois te remercier pour le compliment. » c'est tout ce que tu trouves à lui dire. Pour commencer. « Tu veux que je te montre quoi au juste ? Je n'ai pas envie de te faire ce plaisir, à vrai dire... Tu viens t'amuser et prendre ton pied, je le sais, mais je n'ai pas envie d'épancher tes vices aussi facilement. » un sourire. Bref et amusé. Il s'échappe rapidement.
Jouer un instant. Pour te libérer.
C'est ce que tu cherches également. Un affrontement amicale. Est-ce vraiment de l'amitié ? Sûrement que c'est un amas de beaucoup de choses entre vous. Sauf de cela au final. Tu ne sais pas. Il est dur à cerner. À comprendre. Pourquoi tu es venue le chercher ce soir ? C'est flou. Les réponses te manquent. Tout te manque, Brune. Le vide et le néant. C'est ce que tu essayes de combler ardemment. Lâchant les bouteilles, tu fais le tour à nouveau. Retournant à ses côtés. Un coude sur le bar, tu restes là, le fixant. Debout, tu reviens chercher ta bouteille, lui passant devant sans sourciller. « Si tu veux vraiment que je te montre, il va falloir chercher... Et comme je ne suis pas d'humeur à être sur les nerfs pour l'instant, ça risque d'être long... » ton regard retombe dans le sien. Contrôle, Brune. C'est l'alcool probablement. C'est sûrement lui qui commence à conduire tes gestes. Tu ne bois jamais à ce point. Jamais assez. Pour garder le contrôle de ta vie. De tes soirées. Pour ne pas laisser les regards avides poser la main sur toi. Ce que tu détestes le plus. Ce soir pourtant, tu te laisses aller. Guider par un sentiment sombre. D'une idée stupide. Tu t'imagines sûrement que si c'est lui, ce n'est pas grave. Parce que tu ne l'intéresse pas en dehors de tes démons. Tu ne crains rien. C'est ce que tu penses. « Tu t'amuses ?... je suis soucieuse du bien-être de mes invités. » un sarcasme. Cette phrase sonne comme telle alors que tu le fixes. Rigolant soudainement.
Tu te sens calme. Presque sereine. Malgré cette présence qui erre.
Quelque part dehors, le démon patiente. Il attend sagement. Et tu ne veux pas lui offrir le bonheur de te voir courir. Pour le fuir. Alors ce soir, tu restes avec lui. Aussi étrange que cela puisse paraître. Vous êtes un drôle de mélange, tous les deux. Improbable peut-être. Quand tu y songes, tu reprends une gorgée. Jusqu'à terminer le liquide acre du whisky. « Merde... elle est déjà fini... » tu soupires.
Tu ne sais pas où tu vas, Brune. Ni ce que tu fais.
Son monde se fait liquide, tu pourrais la laisser là. Flotter dedans. Jusqu'à s'y noyer. Passer ton chemin sans te soucier de qui la trouvera le lendemain. Pourtant t'es là, face à elle, liquéfiant le tien pour le laisser se mêler au sien. Ne faire plus qu'une masse saumâtre de pensées noires macérées dans vos encéphales torturées. S’abreuver chacun du poison de l'autre pour mieux se tolérer, davantage que pour se comprendre... Le silence contemple le vide, des phrases laissées en suspens, des questions sans réponse. C'est un jeu davantage qu'une conversation, une danse où vous vous vous oubliez l'espace d'un échange avant de retourner chacun à votre quotidien. C'est comme appuyer sur le bouton pause, tout oublier l'instant présent, laisser le monde s'évanouir dans le néant. S'oublier en l'autre, explorant ses démons pour oublier ceux dont tu tais le nom.
Elle proteste, encore, juste pour exister. Tenter désespérément de te prouver qu'elle ne sera rien de ce que tu lui feras subir. Elle t'arrache un sourire tendre. Un sourire triste. Parce qu'elle est belle quand elle tente de recoller les morceaux de sa dignité. Des bribes d'elle restées à la surface du flot délétère des larmes qu'elle ne laisse couler. Lorsqu'elle sort ses griffes émoussées. Qu'elle feule faisant vibrer ses cordes vocales éteintes par les cris trop nombreux qui se sont mourus dans sa gorge. Si seulement c'était vrai. Si seulement elle pouvait bondir et t'écorcher... Tu t'extasierai du spectacle dont tu serait le scénariste. Ça n'est pas rien de redonner l'envie de mordre à un animal domestiqué. C'est tout un dés-apprentissage. Des mécaniques complexes. Des heures passées à démêler les habitudes. Et les craintes. Tu voudrais gravir cette montagne. La faire hurler à nouveau. Ou simplement la voir pleurer. Un peu. Elle veut jouer, avec toi, Chess. Rien ne te ferais plus plaisir. Elle ne cédera pas. Pas aussi facilement. Pas sous une caresse.
Elle baisse sa garde, probablement parce que c'est toi, parce que tu n'es rien, Chess. Que le vide qui t'anime fait écho à celui qui, tel un instrument tranchant, la torture sans pitié, longuement. La seule différence entre vous c'est que toi tu t'en délectes, tu en appelles davantage. Tu t'es tant abreuvé des esprits brisés que tu t'es mutilé l'être pour pouvoir t'en enivrer. Tu n'en as jamais assez. Alors Brune, c'est un peu une corne d'abondance... Un sourire vient naître au coin de tes lèvres. Tu t'empares de ton verre, le vidant d'une traite avant de te redresser pour enfermer le visage de la jeune femme entre tes doigts, venant mordre ses lèvres d'un baiser tout sauf distingué. Grotesque spectacle éclairé par des lumières artificielles, pâle caricature d'une scène de roman à l'eau de rose. La mixture ambrée glisse de bouche en bouche, dégoulinant sur vos peaux. Tu relâches ses lèvres sans douceur, c'est un baiser qui n'en appelle pas d'autre. Une pierre jetée dans l'océan dans l'espoir de voir un tsunami s'y former. Inutile. Tout autant que divertissant. Tu avances à tâtons, savoures chacune de ses réactions, la scrute, la triture comme un enfant avec un nouveau jouet.
Pas encore, mais ça va venir...
Tu te laisses retomber sur ta chaise, reprenant tes essais d'apprenti sorcier sous le regard inquisiteur des lumières tamisées. T'as un train de retard, tu finis par abandonner le verre pour effectuer tes mélanges directement dans la bouteille. Vous n'avez rien à vous dire, pas de banalités à échanger pour meubler le silence, vous ne savez rien de l'autre et ça vous convient. La vérité peut être encore plus mensongère que les faussetés elles-mêmes. Tu préfères la deviner, imaginer ce qu'elle pourrait être. Tout ce que tu connais d'elle c'est cette noirceur qui la hante et cette lumière qui attire les regards quand elle chante, cette voix envoûtante qui te fait oublier l'espace d'une chanson ses tourments qui te fascinent.
Parle moi de ton souvenir d’enfance le plus étrange...
C'est sorti tout seul. Comme si ton inconscient voulait briser la barrière qui vous sépare, réduire la distance entre vous. La demande est étrange mais légitime. On dit, selon la perspective psychodynamique de la psychologie, que tout traumatisme, spasme, tics et envies débutent dans les confins de la petite enfance. Pour comprendre cette jeune femme, pour arriver à la démanteler, pour prendre part à cette valse titanesque qui te plaît tant, il faut t'attarder sur les fondements de sa personnalité. Passer outre ton obsession et ce masque qu'elle s'est forgé.
Past ★ Toute ma vie j'ai rempli mon caddie d'illusions (noctae) Des mots égarés. Lancés à la dérobée. Qui se laissent mourir à la dérive. Ils se noient dans le silence qui s'ensuit. Cet échange est aussi vide que la boisson qui coule entre tes lèvres. Les questions resteront sans réponse. Il ne compte pas te donner le change. Il s'amuse seulement. Se complaît à t'observer t'étouffer. Avec tout ce qui te plonge dans une narcose. Un instant, l'idée que tout se termine dans le silence et dans le bruit des bouteilles, t'effleure. Un instant seulement. Parce que sa chaleur te caresser encore. Ses lèvres rencontrent les tiennes. Ce n'est pas doux. Ce n'est pas affectueux. Encore une fois ce n'est qu'un jeu. Un échange qui cherche à te stimuler. Peu importe la réaction. Il en cherche seulement une. Tentant de redonner vie à la férocité de l'humanité. Celle qui s'est échouée. En essayant de se protéger.
Il ne dure qu'une seconde. Ce baiser sombre. Cette morsure qu'il laisse ne sera jamais à la hauteur du mal qui t'abrite. Il ne sera jamais à la hauteur de ce que lui a laissé. À même ta peau. À même tes pensées. Bousculant la moindre minute de sommeil. Ce n'est pas assez. Pour te sortir de la torpeur. Du mensonge dans lequel tu existes. Ce n'est rien. Peu importe à quel point tu refuses que les gens te touche outre mesure. Peu importe à quel point tu tentes de ne pas sombrer entre trop de bras. Ça ne suffit pas à t'éveiller, Brune. De retour sur sa chaise, l'apprenti sorcier fini par laisser échapper quelques mots. À nouveau. Une requête qui te laisse perplexe. Ton enfance. Le souvenir le plus étrange. C'est difficile et tu ne sais pas si tu as envie d'y répondre. Si tu as envie de le lui offrir si aisément. Tu outrepasses la distance que tu imposes aux autres, attrapant son menton à ton tour. Baissant les yeux dans les siens. « Qu'est-ce que ça peut te faire de savoir ? Explique-moi pourquoi tu veux que je te raconte ça et peut-être que je considérerais ta demande. » l'illusion de dominer. Vaguement.
Une illusion si facilement brisée. Simplement par une pensée.
C'est lui qui te domine. Tout comme cette ombre qui te pourchasse. Qui te chasse purement et simplement. Ils te dominent. Parce que tu es faible derrière ton masque. En perdition. Bien trop seule sûrement. Dans cette pensée bien morose, tu laisses l'expression trahir ton visage. Dessinant la réalité sur tes traits. Ratant un battement. C'est rageant. C'est angoissant. C'est pathétique. Tu le sais si bien. Et comme pour le cacher, tu viens emprisonner ses lèvres à ton tour. Il n'a rien à envier au précédent. Il n'a rien de bien plus beau que lui. Il est aussi indélicat. Aussi solitaire. « Je reprends ce que tu viens de me prendre sans demander. » comme une vague excuse. Alors qu'il a seulement servit à briser ce regard que tu avais. Retournant à ta place, tu attrape une bouteille. Sentant le monde commencer à tanguer légèrement. Une bouteille c'est bien assez. Une deuxième ça aura ta peau. Mais c'est un enchaînement que tu ne peux contrôler. Tu as tant besoin de respirer. D'oublier. « Mon souvenir le plus étrange c'est sûrement à l'enterrement de mes parents. » que tu laisses échapper. Flou et sans détail. Rien de plus. Rien de moins. Seulement pour fuir encore. Probablement pour fuir le geste que tu viens d'avoir.
Des baisers échangés comme des coups, des lèvres qui se rencontrent sans sentiment autre que le besoin de répondre à l'autre, à ton arrogance, pour te montrer qu'elle aussi, elle peut prendre ce qu'elle veut. Qu'elle aussi, elle a le choix. Qu'elle vivante et qu'elle se tient droite en face de toi, sans flancher, qu'elle ne sera pas qu'un simple jouet entre tes mains avides de pouvoir et de domination. C'est un jeu, mais a-t-elle seulement envie d'y jouer? Tu doutes qu'elle se soit même posé la question avant de te suivre dans cette danse éreintante où les esprits s'entrechoquent dans le simple but de se sentir exister.
T'en as besoin, de ces échanges vides de sens, pour te sentir autrement que cette simple carcasse qui va à la dérive dans un monde trop étriqué et trop réaliste. Tu t'allumes une clope, laisse la fumée danser, couvrir la sensation de ses lèvres sur les tiennes comme un fantôme de sentiment. Elle te donne la réponse sans que tu lui donne ce qu'elle demande. Une domination factice à laquelle elle-même ne se donne pas la peine de croire. Mais comme elle t'as si gentiment vendu ce souvenir, tu te donnes la peine de répondre. À ta manière . . . croit-elle vraiment obtenir quoique ce soit de tangible de ta part, comme si t’allais m’abaisser à me révéler à une apparition humaine, comme si t’allais tuer le jeu dans l’œuf.
On dit, selon la perspective psychodynamique de la psychologie, que tout traumatisme, spasme, tics et envies débutent dans les confins de la petite enfance... Généralement, on classifie ce qui est étrange d’intéressant, t’sais ? Donc, je tenais à ce que tu me raconte une histoire digne d’intérêt, amusante. À mes yeux . . . très peu de choses se définissent comme étranges.
Faux-semblants et ombres chinoises, se dessinent sur les murs. Dame flamme, la flamme qui flemme, qui peine à danser en suivant tes pas alourdis par de spiritueuses déglutitions, projette dans ton esprits les ombres de son passé. On dirait une enfant, une gamine que le monde aurait jetée dans cet endroit inhospitalier pour pouvoir la regarder se faire dévorer par les nombreux prédateurs qui l’habitent. On l'a déjà bien entamé, il ne te reste que des restes, souillés par l'Autre, celui que tu ne connais pas, celui qui t'échappes et que tu envies secrètement. Il ne te reste que les morceaux, mais Brume est une proie de choix et tu te dis que même la plus petite des miettes serait le plus beau des festins.
Dantesque sourire qui ne fait que s’agrandir, mimique joviale et vaguement hystérique, tu te délectes d'avance de l'idée d'enfin observer le véritable visage de ton interlocutrice. Les parents. C'est classique à en pleurer et pourtant, connaissant Brume tu te dis qu'il y a plus derrière cette phrase affligeante de banalité. Comme il y a derrière ce baiser quelque chose de plus que la simple logique d'une femme bourrée. Mais Brume ne se révélera pas, mystérieuse, nébuleuse comme son nom, insaisissable même dans l'ivresse. Tu te redresses, tournes autour d'elle, l'observe alors qu'elle enchaîne sur sa lignée, sa bouteille à la main. Bientôt, son esprit ne sera plus rien, tu dois te dépêcher de le faire un peu plus tien. Mais pour ça, il faudra probablement te dévoiler à ton tour, laisser quelqu'un s'immiscer dans ce temple qu'est ton esprit. On a rien sans rien.
Jouons à un jeu tu veux? Une question, une réponse. Chacun son tour. Le premier à refuser de répondre ou à esquiver la question perd... Si tu veux, je suis même prêt à mettre un gage quelconque en jeu.