Je suis le fils unique, et héritier, de l’entreprise d’hanabishi Natoryu. Il s’agit d’une entreprise qui confectionne des feux d’artifices traditionnels. Ce mot se perd peut-être, car nous avons quitté la Terre il y a plus de trois siècles, mais pour ma famille ses racines restaient une chose importante. Déjà, alors que la Terre souffrait, ils se sont accrochés à leurs croyances et leur artisanat. Moi, je ne suis que le résultat de plusieurs générations dévouées à un art aujourd’hui dédaigné. Honnêtement, boucler les fins de mois est même parfois compliquer. Mais mon artisanat s’éveille petit à petit, et quant je peux faire éclater les fleurs de feu dans les cieux, offrir ainsi un spectacle aux couleurs envoûtantes, mon cœur s’allège un peu. Mon art ne me perdurera pas forcément, mais au moins il resplendit encore par moment…

Honnêtement, ma vie a été assez « simple ».

Installé à Ranunga depuis l’enfance, j’ai grandit sans différencier humains et natifs. Je ne comprenais pas la distinction entre les deux, et ne la comprend toujours pas. C’est dans une ambiance de paix que j’ai évolué. Je n’étais pas vraiment bon élève, préférant sécher les cours pour aider mon père et ma grand-mère à leur atelier. Je n’étais pas un délinquant ou un mauvais garçon, juste, les études classiques ne me passionnaient pas et je n’y mettais pas d’effort : contrairement à ce que j’apprenais à l’atelier. Aussi, dès l’âge de 15 ans, je devins apprenti hanabishi, soit, en formation de pyrotechnicien.

Lorsque j’eu 18 ans, un accident emporta l’atelier.

D’après les scientifiques, un de mes parents devaient avoir fait un mauvais dosage ou laisser une étincelle entrer en contact avec un combustible. Je n’y crois pas. Ma grand-mère et mon père étaient des maîtres dans leur domaine. Ils n’auraient pas fait pareille erreur ! Jeune adulte, j’étais démuni. Maintenant, je me dis que c’était probablement un attentat du groupuscule. Après tout, c’est arrivé alors que ma famille avait accepté de réaliser des feux pour une grande fête du peuple natif. Ils ont put prendre ça comme une insulte, une provocation, que de laisser un savoir-faire humain s’exprimer dans leurs festivités…

Il m’a fallut des efforts et du temps, pour remonter la pente. Je me souvenais encore de la violence de l’incendie que l’explosion avait engendré. Aussi, à côté de mon travail d’artificier, j’aidais les pompiers. Je connaissais le feu et ses dangers, j’avais grandit dans la prévention de ses risques. Par contre, je remercie les formations pour le secourisme en lui-même…

Et quand j’eu 21 ans, on me demanda si je voulais obtenir une augmentation. J’ai longuement hésité. Au départ, je me disais que des poumons artificiels seraient mieux pour gérer les fumées des incendies. Pour autant, cela ne m’aiderait que dans mon devoir de pompier. J’ai alors vu à une peau ignifuge, afin de me protéger des flammes. Retenir sa respiration à travers les fumées, ou utiliser le matériel alloué par les pompiers : c’est bien plus faisable que supporter la fournaise de flamme venant lécher votre corps !

Mes 21 ans marquèrent un tournant, non pas seulement à cause de mon augmentation mais aussi car je me rendis compte de mes sentiments. Je savais depuis longtemps mon attirance pour la gente masculine, mais je ne compris mes sentiments à l’égard de mon ami d’enfance que bien tardivement. Nahevai Ueva qu’il s’appelait. Nous étions toujours ensemble tous les deux. Cette année-là, je m’étais confessé. Cette année là, je sus que mon amour était partagé. Oui, j’étais sur un petit nuage à cette époque. Même si nous avions préféré garder secrète notre relation. L’Atu n’est pas quelque chose de bien perçu, d’autant plus avec le groupuscule qui faisait de plus en plus de bruits.

Pour autant, mon bonheur ne dura pas. Je perdis Nahevai lors de l’attentat à Ranunga. Seul, je ne me serais jamais relevé de cette perte. C’est le sentiment d’un devoir familial qui me fit émerger.

Nahevai mort, plus personne n’était là pour s’occuper Kena : sa petite-sœur. Kena Ueva n’ayant plus de famille, je fis des pieds et des mains pour obtenir le droit de l’adopter. Je ne pouvais mettre en avant ma relation avec son frère. Je vins plutôt jouer la carte de l’amitié, mentant honteusement sur mon lien avec feu son frère. Même Kena ignore qui était son frère à mes yeux, pour dire…

Aujourd’hui, elle a 10 ans et est officiellement ma fille par adoption. Tout en veillant à ses besoins, je m’inquiète un peu pour l’avenir. Notamment avec le récent décès de la prophétesse suprême, qui risque d’être le point d’orgue d’une scission du statut-quo entre nos peuples. La tueuse a été trouvé, mais je sens que cela va réveiller des choses...

Mais je préfère croire en un avenir plus radieux, que de m’inquiéter d’un sombre destin.