{ Luppé, je t'en prie, ne t'éloigne pas.

hurlait-elle de la fenêtre tandis que tu partais. }

était-il nécessaire de dire à haute voix que tu détestais ta vie ? tout chez toi résonnait tes origines, que ce soit par les surnoms espagnols, par les jurons ou les expressions. pourtant voilà bien longtemps qu'il n'y avait plus d'espagne, plus de cuba, plus de véritables espagnols mais ils s'attachaient tellement à ces origines périmées qu'ils étaient le cliché d'eux-même. et toi, ambrosio alvaro alma y garcià tu te devais de correspondre au profil type qu'on t'a attribué. au début, tu appréciais, ça te faisait rire. le bourreau des coeurs, l'enjoliveur, le joli coeur. puis les coups, la jalousie, l'avarice, tes compères ne t'appréciait guère et très vite ton rôle retomba sur toi. celui qu'on protège.

ô ambrosio, tu n'étais pas fort c'est vrai mais cela te touchait, t'affectait quand elles te protégeaient, quand elles te couvraient de baiser. elles se sentaient elles-même plus forte.

et tu étais là, ornement, sac à main. à la limite de la prostitution, tu te sentais vivre quand tu avais une demoiselle à couvrir de compliment, à qui faire semblant d'aimer.

tu résonnais à la lueur de leurs yeux plein d'espoir, plein d'amour.

et puis tu appris, comment les guider vers tes croyances, comment les pervertir. puis vint la descente en enfer.


avant dernière conquête, belle et naïve, ses long cheveux noirs te subjuguaient, ses mots résonnaient en toi peut-être étais-tu amoureux ? peut-être étais-tu fou ?
elle écoutait tes mots comme parole d’évangile, et tu étais presque apeuré à l'idée de la briser, apeuré à l'idée de la perdre. mais elle comprenait ta colère, tu lui confiais tes plus grandes haines et elle l'acceptait comme si tu lui racontais anecdote sur anecdote, tu te libérais de ton poids face à elle.

puis survint les colères, les misères, vous vous étiez adonné à ces tortures, ces blessures jouissives pour vous purifier; vous espériez changer. mais ta colère jamais ne s'éteindra. car si elle, elle devait se détruire pour aller mieux, toi tu devais tout détruire.

drogue, alcool, orgasme, terreur.

un jour, tu t'empara d'un couteau de cuisine et la menaça, allez savoir pourquoi tu ne savais pas. ta colère était si forte, si intense que même la seule personne qui tu aimais dans ce monde tu la détestais. elle ne t'obéissait plus, elle n'avalait plus tes paroles, tu perdais le contrôle. elle devait disparaître, elle te connaissait trop.

mais c'est elle qui te tua. par de simples mots.


arrêtes tout ça, tu es ridicule.


elle n'avait peur, simplement pitié.

tu faisais pitié, ambrosio.




qui étais-tu, luppé ? }


vingt ans passé et tu es là, traînassant de ça et là à la recherche de ce qui te fera vibrer, ce qui te réveillera. qui réveille la bête qui sommeille en toi. pilote automatique, tu vis au jour le jour, tu as abandonné tout contact avec ta famille, quelques messages mais sans plus, pas de nouvelles. tu évitais ces sujets. ils voulaient que tu reviennes mais tu détestais ça, tu n'étais pas à l'aise. tu t'enivrais chaque soir, tu souriais et continuais à draguer, jamais clôturer. tu ne voulais plus rien. parfois, tu manquais le travail pour te retrouver seul à l'autre bout du monde, tu voulais découvrir. tout ce qu'on t'a caché, tout ce dont tu n'as pas fais attention.