Emily était assise devant sa penderie grande ouverte. Elle fixait les vêtements, ne pouvant pas se décider entre un pantalon et une jupe. Elle se décida enfin et opta pour une jupe noire simple avec un pull bleu ciel rentré dans ladite jupe. D’habitude, elle ne prenait pas autant de temps pour choisir ses vêtements, ou même se faire belle. Pourtant, ce jour-ci était spécial. Oui, très. Il était spécial car elle allait revoir quelqu’un qu’elle avait profondément apprécié dans sa jeunesse, devenu comme un fantôme par la suite. Elle a entendu qu’il était allé à l’armée, mais pas plus.
Après s’être préparée, elle se rendit vers les salles d’interrogatoire de Ranunga. Son ami, il était retenu là bas pour, elle espère et si ses suspicions étaient justes, un crime qu’il n’avait pas commis. C’est avec une légère appréhension qu’elle arriva à l’endroit dit, se présentant et laissant ses effets personnels là où elle devait les laisser. On la conduisit à une salle. La présence de toutes ces personnes dans de si petits couloirs la mettait mal à l’aise, mais elle devait faire avec. C’est silencieuse qu’elle entra dans une petite salle d’interrogatoire où un jeune homme était assis. On ferma la porte derrière elle. Le silence était plus lourd que la chaleur de l’été. Cependant, Emily ne pouvait s’arrêter de sourire.

Emily - “ Caleb… Regardes-toi. Toujours dans le pétrin...hehe” dit-elle en s’asseyant.

Il avait changé, certes, mais elle voyait en face d’elle ce même jeune garçon qu’elle avait connu.

Emily - “Pourquoi ne veux-tu pas me regarder… ?” elle se toucha le visage et posa ses fins doigts sur sa pommette gauche, sous son oeil, “Tu ne me reconnais pas… ? Ou est-ce ça… qui te dérange ?”

Emily continuait cependant de sourire, les joues légèrement rougies, étant tellement heureuse de l’avoir revu.

Il avait enfin parlé. Il la regardait enfin dans les yeux. Il avait bien grandit, lui aussi. Emily était persuadée qu’il faisait maintenant une, deux voire trois têtes de plus qu’elle. Sa voix avait bien changée aussi : une voix masculine qui résonnait dans la pièce.

Emily - “Moi ? Grandir ? Hehe… Parles pour toi…” elle laissa entendre un petit rire puis rapprocha sa chaise de la table, baissant d’un ton, “... Tu m’as manqué.”

Oui, il lui avait manqué. Son seul ami, ses seuls bons souvenirs de jeunesse sont avec ce Caleb. Quand ils étaient plus jeunes, elle se faufilait le soir quand son père s’enfermait dans sa chambre ou dans son bureau et le rejoignait en bas de la ruelle, devant la maison blanche. Ils arpentaient les rues de nuit. Il n’y avait personne, seulement eux deux et deux trois chats qui passaient. La mer, la nuit, reflétait les étoiles et la lune. C’est Caleb qui lui a fait aimer autant la mer, ou les paysages calmes. Ils ne parlaient pas forcément, ou alors c’était lui qui racontait ses journées, comment il avait causé moultes troubles. Ils partageaient une brioche, marchaient, allaient à la mer et rentraient. Alors oui, il lui avait manqué.

Emily - “J’ai entendu que tu étais parti à l’armée… Puis plus rien. J’ai cru… J’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose, et j’ai eu peur de te perdre de nouveau et... J’ai vu ton nom sur la liste des suspects et je... “ elle fit une pause puis reprit, “Je pense que, inconsciemment, j’en ai profité pour venir te voir, après toutes ces années, et m'assurer que tu étais bien en vie. Je sais ce n’est pas le meilleur endroit mais.. je me suis dit que tu aurais peut-être besoin d’une épaule sur qui te reposer ?”

De ce qu’elle se rappelait, Caleb était un jeune garçon très entreprenant qui ne laissait pas facilement les mots “j’ai peur” ou “aide moi” sortir. Emily s’est alors rendu compte de ce qu’elle venait de dire, et rougit. Qu’est-ce qu’il lui prenait…

La jeune femme ne pouvait s’empêcher de scruter son regard. Ses yeux étaient différents, mais au fond, il restait le Caleb qu’elle connaissait, et ça, ça la rassurait grandement.

Il s’excusait pour tout ce silence, pour ne pas avoir été là pour elle, et Emily savait que ses mots étaient sincères. Leur amitié voulait donc toujours dire quelque chose pour lui, et elle en était rassurée. Même si l’occasion était peu propice à des retrouvailles, elle était heureuse de le voir aller bien. Il avait surement du en voir de toutes les couleurs, que ce soit dans sa vie que maintenant, dans sa petite salle d’interrogatoire.

Emily - “Bien sûr que tu vas sortir de là ! Je trouvais cela trop… gros. Si tu l’avais fait, je précise. Nous y avons réfléchi avec deux autres amies… Honnêtement, des choses vraiment sombres sont en train de se passer. Beaucoup trop de questions sont posées, si peu de réponses. Cela ne nous aide vraiment pas… Mais je suis vraiment heureuse de pouvoir te rayer de ma liste de suspects. J’en ai déjà rayé d’autres comme Mana, un ami, et deux autres personnes que je ne connais pas personnellement mais que j’ai déjà rencontré auparavant… Je ne peux dire clairement le nom de la personne que je suspecte le plus, mais “elle” s’est compromise seule. Tout le monde l’a innocenté dehors, enfin, pas tout le monde comme tu peux le voir…”

Cette personne qu’elle suspectait, elle n’avait pas eu l’occasion de l’interroger. Mais ses connaissances, par contre, oui. Et ça l’avait grandement aidé.

Emily - “Les autres sont toujours retenus ici, et ils sont en train de réduire les visites de plus en plus…” elle baissa d’un ton et repris, “Le garde devant la porte m’écoute depuis que j’ai parlé à mon ami Mana.. Il me suit partout depuis, je dois t’avouer que Mana m’a prévenu que j’allais surement m’attirer quelques problèmes en parlant “trop” mais, il y a juste des choses qui ne coïncident pas. Depuis que j’ai commencé à parler du fait que le criminel pourrait venir de “l’intérieur”, l’on a commencé à m’observer de près. Même pour aller… me “laver les mains”, je veux dire, qui pourrait suivre une jeune femme jusque ...là..!”

Elle baissa les yeux, s’asseyant au fond de sa chaise. Soudain, la porte s’ouvrit. Il était déjà temps qu’elle s’en aille. On vint la prendre par le bras et la faire se lever. Elle fit s’enlever la main du garde, regardant l’homme droit dans les yeux. Elle défroissa sa jupe et sourit à Caleb.

Emily - “Je t’ai déjà vu mentir. Je t’ai vu sincère. Mais aussi affaibli, affublé, acculé. Ce que tu as ce tic quand tu mens… Peu le voit. Je sais que tu ne l’as pas fait. Ils le verront aussi.” dit-elle en partant, emmenée par le garde.