MusiqueLe calme avait enveloppé Gahïa-Li depuis peu et seules les dernières lueurs du marama pouvaient être aperçues au-delà des hautes montagnes. Néanmoins, la sérénité de la nature fut bien vite effacée par un bruit particulièrement reconnaissable. La forêt de Pepuere se retrouvait agitée, alors que des bruits sourds de tambours retentirent en accompagnant le peuple natif qui marchait d’un pas lourd et particulièrement bruyant. Ils avancèrent, se suivant les uns et les autres, leurs jambes se dressant au rythme des tambours.
Au-devant de cette marche se tenait un cercueil de bois ouvert où la prophétesse gisait paisiblement dans un sommeil éternel. Quatre personnes portaient le corps par-dessus leurs épaules. De chaque côté, se tenaient les membres de la religion Navarite, portant des torches enflammées dirigées vers le ciel, illuminant les visages attristés et silencieux des marcheurs. À l’arrière du cercueil, ouvrant officiellement la parade, Seren et Valara tenaient des encens, laissant derrière eux une fumée clairvoyante et dégageant une odeur végétale embaumant l’intégralité du groupe. Lorsqu’ils quittèrent la forêt, la cérémonie commença vraiment. Les danseurs et danseuses sacrés se mirent à tournoyer au rythme effréné des tambours tandis que des voix s’entremêlaient en chants religieux. La nature elle-même semblait participer à cet évènement, le vent soufflant sur les plaines et sifflant entre les feuilles des arbres ou en s’engouffrant entre les pierres. L’hymne de la mort portait avec tendresse la défunte jusqu’au Volcan Ākuhata. C’était inévitable, le corps de cette grande femme finirait par rejoindre la terre, telle était la volonté de Navara. Le peuple Natif continua sa quête, foulant la prairie Hune sous le regard distant de son gardien. Les chants de gorges retentissaient partout, ricochant et valsant entre les obstacles de la nature. Ākuhata survolait le groupe tandis qu’ils s’apprêtaient à pénétrer les chemins tortueux et ardus du volcan.
Ils commencèrent à braver avec difficulté les sentiers sinueux de la colossale montagne de feu, tandis qu'autour d'eux, la poussière et les cendres dansaient dans l'air lourd et chaud. La lave en fusion ne cessait de réchauffer le brave peuple, portant avec miséricorde leur ancienne prophétesse. Lorsqu’ils arrivèrent en haut, ils déposèrent le corps près du gouffre tandis que les tambours continuaient d’être frappés frénétiquement. Le testament de la prophétesse était entre les mains des grands prêtres, il renfermait entre ses lignes le futur dirigeant Natif. Valara s’avança et prit la parole.
« Peuple Natif, nous sommes ici tous et toutes réunis en ce lieu afin de célébrer le Hanga de notre prophétesse. Elle nous aura vaillamment dirigé avec beaucoup de tendresse et d’écoute sous le regard protecteur de Navara. Elle était notre guide, notre amie, notre mère et notre modèle pour beaucoup d’entre nous. »
Elle se recula puis laissa place à Seren, qui prit la parole à sa suite.
« Nous sommes tous affectés par la mort de la prophétesse mais il ne faut pas perdre espoir, ne pas se laisser guider par la haine et la rancœur. Nous devons, plus que jamais, nous épauler et nous accompagner pendant ce tragique évènement. »
Lorsque Seren termina sa prise de parole, Ākuhata se posa sur les hauteurs rocheuses en observant la scène de ses yeux perçants. La majestuosité de ce gardien n’avait aucun égal et lorsque ses ailes se déployaient, la lumière de la lave se reflétait entre ses plumes. Le testament fut ensuite lu par l’un des grands prêtres tandis que l’assemblée écoutait la lecture en silence.
«
Si vous lisez ceci c’est que je ne suis plus parmi vous. Ma maladie m’aura certainement emportée et j’en suis terriblement attristée. Voilà maintenant près de trente ans que je suis à la tête de notre peuple,et il est temps, maintenant que je ne suis plus ici parmi vous, de désigner la personne qui me remplacera et qui à son tour portera la voix Native, je l’espère, jusqu’au plus haut.
Après délibération et longues discussions avec les prêtres, grands prêtres et prophètes intermédiaires, je déclare Valara Hoani prophétesse suprême à son tour. Malgré son jeune âge, je la sais apte et qualifiée pour permettre à notre peuple de s’épanouir correctement. Seren Matoskah garde donc sa place en tant que Prophète intermédiaire. Felice O'Wel, tu prendras la place de Valara en tant que prophétesse intermédiaire aux côtés de Seren.
Je vous souhaite à tous une longue et merveilleuse vie, que Navara vous préserve, qu’il vous guide. Merci d’avoir cru en moi et de m’avoir accordé tant d’intérêt.
Adieu, mes amis. »
À ces mots, Valara ne pu contenir ses larmes qui roulaient sur ses joues creuses, elle garda son visage fermé et se tourna en direction du volcan tandis que le peuple Natif applaudissait avec fierté leur nouvelle représentante ainsi que la venue de Felice aux côtés de Seren. Les tambours se mirent à battre de nouveau, fortement et Ākuhata se leva, s’envola au-dessus du peuple. Les porteurs fermèrent le cercueil et un adieu général fût exercé : certains en chantant, d’autres en hurlant, en pleurant ou en murmurant des prières. Les griffes du gardien vinrent se resserrer autour du cercueil et en un grand battement d’ailes et Ākuhata se tint au-dessus du gouffre de lave. Puis le grand gardien lâcha ce qu'il tenait entre ses griffes et le corps de l’ancienne prophétesse tomba à grande vitesse dans le bain de lave. Le bois prit feu tandis qu’on ne discernait plus le cercueil dans le liquide brûlant, quelques secondes suffisant pour avaler le corps de la défunte. Les tambours s’arrêtèrent et le silence prit place. Après quelques prières silencieuses certaines personnes partirent, d’autres souhaitaient rester encore un peu pour penser.