Les étoiles ne s’étaient pas montrées depuis des lunes, les oiseaux n’avaient plus chanté depuis des jours, il n’avait pas plu depuis des mois. La vie semblait ralentir, les jours se rallongeaient et on ne pensait plus qu’à une chose dans la maisonnée : quand est-ce que le bébé viendrait au monde. Niehaei attendait la venue de cet enfant avec impatience, et pour elle, plus rien n’avait d’importance. Cette grossesse l’avait sortie de sa tristesse quotidienne et de son ennui, mais maintenant que nous étions à quelques jours de la fin de cette dernière, elle recommençait à se sentir comme avant. Niehaei commençait se sentait inutile, sans avenir autre que celui de rester la femme de Kalekau, un homme certes de bonne famille, mais surtout un homme austère et distant, du moins avec elle. Il avait arrêté de sourire depuis des années maintenant, après la perte de leur premier fils, Kuhei. Il avait disparu un soir d’été, tout le monde le croyait parti s’entraîner dans la forêt à s’occuper des arbres juste morts. Il n’est jamais revenu, et tous ont pleuré sa disparition dans leur petit village. Kuhei était le fils de la première femme de Kalekau, cette dernière étant morte en couche de par une infection. Avec Niehaei, il avait réussi à aimer de nouveau et son fils alors jeune avait appris à aimer une mère de nouveau. Après sa disparition, tout changea, et rien ne s’améliora quand Niehaei tomba enceinte, contrairement à ce qu’elle avait pensé.
Nous étions passé la date de l’accouchement, la date prévue par l’accoucheuse du village. C’est comme ci le temps venait de s’arrêter pour tout le foyer, et personne ne savait quoi faire pour redonner le moral à la future mère. Cependant, un jour où Niehaei peignait dans la serre en fleur, elle sentit que l’enfant arrivait. Elle venait tout juste de finir de peindre sa rose quand elle sentit sa poche se rompre, et qu’elle commença a avoir mal. Très mal.
C’est après des heures de dur labeur qu’une petite fille vit le jour, un jour de printemps ensoleillé. Le sourire revint enfin sur le visage des nouveaux parents, et dans une euphorie et joie collective, vint le moment de choisir un prénom pour la nouvelle addition à la famille La’Akeai. La matriarche de la famille entra dans la chambre où accoucha Niehaei, prit l’enfant dans ses bras et la berça pour la faire arrêter de pleurer ; elle plongea ses yeux dans les siens, et ne prononça qu’un seul mot : Ilaïlana. Ilaïlana serait son nom. La nouvelle mère se le répéta plusieurs fois, le murmurant, l’adorant un peu plus à chaque fois qu’elle le prononçait. Le père l’approuva aussi, et lorsque la petite Ilailana fut présentée au reste de la famille, tous ne purent que l’adorer et fondre devant ses grands yeux verts, sa peau de satin ébène et son sourire taquin.

Ilaïlana passa son enfance à jouer dans la serre avec sa mère, à découvrir tous les jours de nouvelles cachettes dans la forêt avec son père. La famille s’était ressoudée autour de la venue de cette enfant au cœur plus grand encore que sa personne, qui commençait déjà a avoir des rêves plus grands que son petit village. Entourée de fleurs, de nature et d’eau fraîche, Ilaïlana ne connaissait que ça : la liberté et le grand air. Personne ne pouvait la garder enfermée, personne ne pouvait la garder en place, mais tout le monde aimait la voir courir dans la maison, entendre les talons de ses petites chaussures sur le plancher. Tous aimaient la voir courir dans la plaine, la voir demander après son père pour qu’il la prenne sur ses épaule et qu’elle puisse regarder l’horizon, la voir demander après sa mère pour dessiner des fleurs et s’occuper de ces dernières. La matriarche aimait prendre son temps pour lui montrer quelle plante aller chercher s’il elle s’égratignait en jouant, ou si sa mère tombait malade. C’est de là que lui vint sa passion pour les plantes et l’étude de ces dernières. C’est à l’école qu’elle a perfectionné ceci, avec plus de connaissances techniques, mais elle savait qu’elle apprendrait toujours plus dans la forêt, la plaine, ou dans la serre, et que ces deux endroits seraient des endroits clés pour son futur. Et elle ne se trompait pas en pensant cela, car c’est dans la plaine, le jour même de son anniversaire, qu’elle fit la rencontre de son Gardien, Mei, ce petit être divinement adorable et plein de ressources. Il lui fit réaliser qu’elle ne savait où elle voulait aller dans la vie, qui elle souhaitait devenir, mais qu’elle ne savait pas comment y arriver. Elle n’était qu’une tout juste jeune femme qui découvrait la vie, mais cette rencontre changea sa vie à jamais. De son Gardien Mei, elle reçu le pouvoir de la plantothérapie. Ce dernier ne pouvait que lui correspondre, et elle changea ses manières d’étudier les plantes médicinales.

C’est avec l’appui de son pouvoir, la rencontre avec son Gardien, l’enseignement de sa grand-mère et l’affection et le support de ses parents qu’Ilaïlana décida d’embrasser sa destiné et de réaliser son rêve : devenir herboriste. Sa mère pleura à l’idée de laisser sa fille partir dans une grande ville, son père lui tint ce fameux discours sur la poursuite de rêves atteignables, de ne pas se laisser tenter par le premier jeune homme au sourire radieux plein d’ambitions. Elle le rassura, mais au fond d’elle, Ilaïlana savait que promettre à son père de toujours faire ce qu’on lui dit de faire, ça n’arriverait jamais.

En déménageant dans la grande ville, elle se retrouva face à sa solitude, à sa nostalgie. Sa plaine, sa serre, sa forêt, sa famille : tout lui manquait. La peur de ne plus jamais revoir ça, de ne jamais revivre cette joie et cette liberté infinie, le vent dans ses cheveux et pouvoir courir à travers la plaine sans jamais en voir le bout. Alors, elle se pose souvent à sa fenêtre, s'occupe de ses roses, regarde le ciel étoilé la nuit, priant Navara pour que sa mère aussi regarde ce même ciel étoilé, que son père compte aussi les jours qui les séparent de leur prochaine rencontre...

Qu’est-ce que l’avenir lui réserve vraiment ? A vous de le découvrir avec elle.