Seren s'avança dans la pièce anthracite. Gris, gris foncé, gris clair. Comme il détestait des constructions humaines, dénuées de toute fantaisie. Il n'était que l'ombre de lui-même, et son teint s'accordait bien avec l'univers monochrome des cellules où ils étaient parqués. Lui, ses collègues et amis natifs, quelques dignitaires humains et sombres inconnus. Son visage, d'habitude pétillant de bonne humeur, était fermé, sombre.

─ Valara.

Sa voix elle-même semblait être éteinte. Il darda son regard sur elle. Si lui n'était plus qu'une ombre, sa collègue était un fantôme. Il s'approcha de sa foulée leste, tiquant légèrement à sa question.

─ Ne sois pas stupide, répondit-il avec une brusquerie qui ne lui ressemblait guère. Son regard s'adoucit imperceptiblement lorsqu'il croise celui, hanté, de Valara, et ce fut d'une voix murmurante qu'il demanda : Que c'est-il passé ?

Les paroles de Valara trouvèrent un écho désagréable dans le propre chagrin de Seren. Là où celui de sa collègue se déversait en vagues et en bourrasques autour d'elle, celui du danseur était plus insidieux, plus enfoui. Un temps viendra où il devrait libérer l'océan qu'il couvait. Mais pas aujourd'hui. Pas maintenant. On avait besoin de lui. D'une douceur presque tendre, il saisit la main glacée de la jeune femme entre les siennes.

Il se souvenait du moment dont elle parlait : la grande absence qu'il avait ressenti quand le pouvoir de la prophétesse s'était éteint. La solitude lui avait agrippé la gorge comme un loup sauvage, et il s'était effondré. Il n'imaginait même pas ce que Valara, qui était bien plus proche d'elle, pouvait ressentir à cet instant.

─ Je te promets, Navara m'en soit témoin, que nous trouverons le coupable et qu'il répondra de ses actes.

Seren baissa les yeux vers ses mains, qui tenaient toujours en leur creux celle de Valara.

─ Et une fois que cela sera fini, nous prendrons soin de notre peuple. Ensemble. Ses yeux clairs cherchèrent ceux de son interlocutrice. N'abandonne pas. Il prit une longue inspiration, et termina d'une voix faible. Nous avons besoin de toi, Valara.

Un long silence s'étira, où l'on entendait que les sifflements du vent invoqué par le pouvoir de la prophétesse intermédiaire et les clochettes de l'habit de Seren qui tintaient doucement. Il se racla finalement la gorge, tentant d'endiguer l'émotion qui le secouait sous une façade de neutralité brutale.

─ Te souviens tu de quoi que ce soit qui pourrait être utile au déroulement de l'enquête ? Même le moindre petit détail peut avoir son importance.

Seren se pince douloureusement les lèvres en voyant de visage de Valara changer au rythme de ses mots, comme si elle revivait la scène qu'elle rapportait. C'était sans doute le cas. Si une part de lui s'en voulait de lui rappeler cette atrocité, le reste de son être semblait lui ordonner de continuer, d'avancer, de ne surtout pas s'arrêter avant d'avoir trouver. Trouver un coupable, une piste, un indice... Il doutait que quiconque parmi ses compagnons natifs ait pu commettre un crime aussi horrible, mais il n'excluait rien.

Sa seule certitude, c'était que Valara n'avait rien à voir là dedans. Le simple fait de mentionner son nom dans cette affaire réveillait une colère grondante en lui.

─ Navara la protège, là où elle se trouve désormais, répond-il en lui pressant doucement la paume en signe de réconfort. Mais cette enquête est entre nos mains. C'est notre rôle en tant que vivants de nous occuper de cette injustice. Nous le lui devons.

Le regard de Seren se fait lointain, avant de revenir brusquement se poser sur le visage de la prophétesse.

─ Te souviens-tu de quelque chose concernant l'arme du crime ? Tu n'as pas entendu de coups de feu, n'est-ce pas ?