Parqué dans sa petite pièce grise, Seren observait l'espace vide qui lui faisait face d'un air sombre. Ses sentiments oscillaient entre la colère, le chagrin infini, et encore la colère. Peut-être y avait-il même une petite once d'incompréhension, comme une réminiscence de l'enfant perdu qu'il fut autrefois, à la recherche d'un sens caché dans le déroulement anarchique des événements de la vie. Sa parure n'avait plus rien de colorée, pendant tristement sur sa silhouette prostrée, privée des mouvements habiles qui la faisaient d'ordinaire vivre. Seule une petite clochette tintait, au rythme du mouvement nerveux de son pied contre le sol.

Cling, cling, cling.

Seren leva vivement le regard lorsque des pas raisonnèrent dans le couloir adjacent.

Seren observa le natif s'avancer dans la petite pièce. Si son air lui était familier, il ne réussit à remettre un nom sur son visage. Il était bien trop préoccupé pour cela. Son attitude décontractée, par contre, ne faisait qu'amplifier la colère qui prenait doucement forme au fin fond de lui même. Il écouta d'un air absent les paroles de son interlocuteur, le regard éteint. Cling, cling, cling, faisait toujours la clochette.

Le jeune homme termina finalement son explication, l'air satisfait. Les mots atteignaient doucement l'esprit de Seren. Lorsque son regard sembla enfin se poser sur la réalité qui l'entourait, il couvait difficilement la rage qui le traversait.

─ Par Navara, par les Gardiens, et par tout ce qui est sacré dans ce monde, je ne suis pas l'assassin de notre prophétesse suprême. Sa voix claqua comme un fouet, et le rictus qu'il adressa au natif était carnassier. Cela te suffit-il ? J'ai préféré abrégé. Si tu as le temps de jouer à tes petits jeux, tu ferais peut être  bien de l'utiliser pour activer un peu tes neurones et trouver un suspect valable. Tu ne fais que gaspiller le notre.

Colère, tristesse, colère, incompréhension.
Colère ce sera.

Le natif blond ne semble pas se démonter face à l'hostilité de Seren, qui croise finalement les bras et reprend petit à petit une attitude de neutralité un brin ennuyée. Une façade, bien sûr. Cela le tue de devoir rester là sans rien faire. Il devrait faire quelque chose. N'importe quoi. N'importe quoi pour ne pas se retrouver seul avec lui-même. Alors il écoute gravement, et répond d'une voix monocorde dénuée de toute émotion, qui n'a plus rien à voir avec sa remarque précédente.

─ Je préparais une danse rituelle nocturne près de la forêt de Pepuere, mon Gardien. Je porte toujours mon habit, comme tu peux le constater, fit-il remarquer en agitant sa parure argentée et perlée de clochettes, le tout d'un air ironique. La danse n'a pas eu lieu, étant donné les événements, mais de nombreux natifs avaient prévu d'y assister, et certains étaient sans doute déjà dans les parages.

Il tourna son regard vers le mur, contemplant le vide en se perdant dans ses souvenirs.
Tout ceci ne servait à rien.

Seren coula un regard blasé au natif blond. Il ne pouvait pas lui retirer qu'il essayait de bien faire et c'était sans doute la seule raison pour laquelle il acceptait de répondre passivement à ses questions. Ou était-ce la résignation de constater que la situation échappait totalement à son contrôle ? C'était une sensation qu'il détestait.

─ J'étais concentré sur les préparatifs, répond-il en haussant les épaules. Mais il ne devrait pas être difficile de trouver quelques habitués qui m'aient aperçu sur place. Il soupire. Ça restera toujours ma parole et la leur contre celle des autres, à la fin.

Il croise les bras, détournant le regard du natif pour s'absorber dans la contemplation du mur, déjà de retour à ses propres réflexions.