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La ville est plutôt calme ce soir. Tant mieux. Étrangement, Poppy apprécie beaucoup le calme. Son moment préféré est lorsqu'Ota s'endort, et que tous les habitants sont dans leurs lits, plongeant la ville dans un silence absolue. Cela ne dure pas longtemps non, à peine quelques minutes, car il y a toujours des couches-tard ou des lèves-tôt pour venir troubler le silence. Mais Poppy profite de ce moment là, elle sait que d'ici quelques heures, ce silence viendra.

Et quoi de mieux pour attendre ce moment, qu'un petit casse-croûte ?
Ce soir, c'est vendredi. Et le vendredi Poppy a ses habitudes. En bonne petite fille des rues - à moitié des rues - elle connait les bonnes adresses pour de véritables festins. C'est donc tout naturellement qu'elle se dirige vers un bar-restaurant, en prenant soin d'emprunter une rue normalement désertique. Car non, l'enfant n'est pas une cliente comme les autres. C'est une privilégiée elle, elle entre par l'entrée des artistes. Enfin, c'est ce qu'elle se dit pour rendre la situation moins dramatique. La gamine avance, contournant l'entrée principale pour se faufiler dans une petite ruelle sombre.

Des poubelles, une petite porte et une fenêtre à demi-ouverte. L'arrière du restaurant n'est pas aussi joli que la devanture. La façade laisse un peu à désirer même, mais bon, elle s'en moque un peu la petite. Comme à chaque fois, elle se fait discrète. Elle se doute bien que le patron n'apprécierait pas sa présence. Mais la discrétion, elle connait bien.

Il est environ 23heures. Heure ou normalement, les enfants de son âge dorment paisiblement dans un lit bien chaud, dans un foyer remplit d'amour. Pff, s'ils savaient ! Ils manquent la meilleur bouffe de la ville. A catimini, elle est maintenant sous la fenêtre. Et elle siffle. Des bruits d'oiseaux. Pourtant, il fait nuit, il ne devrait pas y avoir de sons comme celui-ci. Mais personne ne fait attention, sauf une. Darius, il sait que ce gazouillis, c'est le code signifiant sa présence.

Ils sont rares les personnes importantes pour Poppy. Même son père, n'en fait pas parti - du moins, pas vraiment. En revanche, Darius si. De mémoire, il a toujours été présent pour elle. Même si au début il était réticent à la voir fouiner dans les poubelles du restaurant pour manger, au fil de temps et des mois, c'est lui-même qui lui donnait de la nourriture. Poppy l'aime bien, beaucoup même. Ce genre d'amour, de premier amour. D'admiration ou de fascination. Les enfants sont tous, à un moment, "amoureux" d'une personne adulte. Ils adulent cette personne, ils veulent la prendre en modèle. Et bien, Darius est ce mec là, pour Poppy. Bien-sûr, jamais elle ne lui dira, elle ne se l'avoue même pas à elle même d'ailleurs. Mais elle aime beaucoup Darius, et c'est même la seule personne envers laquelle elle fait preuve de politesse - à son niveau, bien sur.

La petite fille se recule alors, venant s'adosser sur le mur d'en face. Le serveur a été prévenu, et ce n'était plus qu'une question de temps avec qu'il ne sorte par la porte des employés pour se rendre dans la ruelle et venir la rejoindre. Elle se demande bien ce qu'il lui a mit de côté comme nourriture cette fois-ci.

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Poppy se redresse un peu lorsqu'elle voit une ombre marchait vers elle. Peu à peu, elle reconnait la silhouette de Darius, et c'est naturellement qu'un minuscule sourire ce dessine sur son visage. Il ne sait pas la change qu'il a, de la voir sourire, mais c'est bien la seule personne à qui elle offre des sourires cent pour cent naturels et spontanés. Après tout, elle aime bien Darius, c'est une homme gentil, qui lui apporte à manger. Il n'en faut pas plus à Poppy pour avoir un ami.

— Non, je suis arrivée y'a pas longtemps.

Son regard c'est rapidement dans les yeux de Darius, avant de se ruer vers la boite contenant son repas. Son ventre gargouille, elle a faim, très faim. Surtout que bon, ce n'est pas un repas trouvé dans une poubelle ou voler dans une supérette... La, ça vient d'un restaurant, alors la qualité est nettement meilleure.
Lorsqu'il lui tend la boite, elle s'empresse de la lui prendre des mains. Son regard est illuminé, jovial. La, devant Darius, elle est l'enfant d'une douzaine d'année, et non la petite souris des rues.

— Risotto au saumon...

Elle répète ce qu'il dit, doucement, pour bien assimiler l'information. C'est qu'elle, elle ne connait rien en nourriture. Elle est habituée à manger des gruaux chez son père - enfin, quand y'a de quoi manger... - ou sinon à racler le fond des poubelles, ou encore à chouraver ce qu'elle peut trouver sur les rebords de fenêtre. Autant dire que les plats sophistiqués, elle ne connait pas, sauf lorsque Darius lui en amène.
En tout cas, elle plonge ses doigts dans la boite, en récupèrent un peu de nourriture qu'elle porte à sa bouche. Un délice. Elle adore ! Elle refait, encore et encore, jusqu'à en dévorer la moitié, en seulement une dizaine de secondes.
Voilà, elle en a presque partout, mais au moins son estomac arrête de gronder. Elle relève finalement sa tête vers Darius, laissant pour le moment sa boite dans ses mains, se disant qu'elle terminerait son repas après avoir un peu discuté.

— Non, pas du tout !

Mensonge. Poppy a eu froid, et certainement que demain elle sera malade. Mais elle n'aime pas ce faire plaindre, alors elle préfère dire que tout va bien. Et puis de toute façon, même si elle disait qu'elle aimerait bien des vêtements chauds, ou alors une vie plus stable... et bien, ça ne changerait rien à son quotidien, alors elle préfère dire que tout va bien pour elle.

— Tu as une anecdote ?

La, elle sourit de nouveau, la petite sourie. C'est une habitude qu'ils ont pris les deux. Darius lui raconte une anecdote sur le restaurant, un client qu'il a eu ou autre, et en échange Poppy aussi, lui raconte quelque chose. C'est Darius qui a instauré ça, sûrement pour en apprendre plus sur l'enfant, tout en restant subtile et en ne voulant pas la brusquer. En tout cas ça fonctionne, car Poppy elle, voit ça comme un jeu, et elle attend avec impatience d'entendre l'anecdote de Darius.

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