Elle entra dans la pièce de la suspecte, à pas discrets, légers. Le calme et la sereineté semblaient au bout de ses doigts, la brume se tortillait doucement autour de ceux-ci-- pas aussi stressée qu'à son arrivée aux pièces grises, elle s'était mise en tête de faire sa part, elle aussi. D'aller... interroger. Cela dit, elle ne savait pas trop comment faire, comment bien le faire, du moins. La parole n'avait jamais été son point fort, ce qui compliquait la chose... mais une certaine motivation enveloppait son coeur, une envie plus forte que celle de s'enfuir sans avoir à affronter une telle situation: Elle voulait que Seren soit libéré plus que tout.

Après y avoir réfléchi, elle avait décidé d'aller voir Iota. Celle du conseil, absente de la réunion. Celle connue pour ne pas trop aimer les natifs. Mais à quel point? Au point de tuer la prophétesse? ... Qui sait, vraiment? Trouver un coupable, c'était tout de même beaucoup sur les épaules de tous, quand on y pense... elle ne pensait pas pouvoir faire beaucoup... mais ça vallait le coup d'essayer. L'anticipation, les mots qu'elle devrait dire-- tout ça faisait un peu monter la brume sur elle, autour de ses poignets et chevilles. Son visage calme lui permettrait de ne pas laisser paraître son stress, maintenant revenu en elle, partiellement-- Iota ne la connaissait pas, après tout. C'était déjà bien.

La petite native s'était contentée d'un mouvement de tête pour saluer, en entrant. Elle venait à peine de s'asseoir sur la chaise, mais ne disait rien. Elle semblait calmement observer, tout simplement. Iota, la pièce, voir son allure générale et ses réactions, de son regard calme, où il est difficile d'y cerner plus. À vrai dire, elle réfléchissait, pour le coup... savoir quoi dire, quoi faire...  chaque chose en son temps. Se presser n'était pas une option, ici.

La jeune femme en face d'elle semblait... mécontente. Qui ne le serait pas, à sa place? Les interrogatoires, ça devait être bien embêtant, à la longue. Heiata voyait bien qu'avec ce regard-là, elle ne dirait pas un mot avant qu'elle-même ne parle. Elle trouvait cela bien embêtant comme situation, mine de rien... mais elle se calmait petit à petit; Pour Seren. Elle n'était pas là pour elle-même, mais pour lui. Et ça changeait bien des choses. Plus vite que prévu, elle reprit son calme; le légendaire calme d'Heiata, grâce à cette pensée même. Plus tôt, elle avait laissé un petit message aux gardes, sur un petit bout de papier, là encore. Simplement pour spécifier qu'elle inventerait sûrement une histoire, pour voir comment Iota réagirait, et qu'il ne faudrait donc pas prendre cela au sérieux. Là encore, elle ne savait pas si ça fonctionnerait... mais juste poser de vulgaires questions, ce ne serait pas suffisant, à son avis... elle ne ferait que la dévorer du regard. Alors elle avait préféré prévenir d'avance les gardes. Elle ne s'y connait pas du tout en interrogatoires, mais au moins, elle essaierait.

Et puis... il aurait déjà été trouvé, si les simples questions fonctionnaient. Alors... il faudrait juger sur ses réactions plutôt que de vulgaires paroles, mensongères... ou pas. Elle fut, étrangement, la première à parler, D'une voix calme, mais étrangement ferme, une fermeté qu'on ne lui reconnaitrait pas, (heureusement, Iota ne la connait pas). Pour Seren. Pour Seren... ce fait tournait en boucle dans sa tête, sans quoi, elle ne ferait jamais ça. Elle s'était approchée un peu d'elle, sa voix étant, comme toujours, assez basse.

« ... Pourquoi étiez-vous dans la forêt, cette nuit là ?  »

Elle semblait encore l'observer, comme si elle voulait être certaine de ce qu'elle avait "vu".

« Je sais que vous y étiez. »

Évidemment, c'était faux; elle n'avait rien vu du tout... mais son ton de voix ne changeait pas, son air non plus... ce qui la rendait ... indéchiffrable, en quelque sorte. Évidemment, elle n'aimait pas faire ça, surtout qu'elle ne savait pas vraiment si c'était elle, la tueuse... mais ça vallait le coup d'essayer...

La réaction d'Iota la ferait presque rire. Sursauter à sa propre action? Elle avait tapé la table, pour démontrer sa colère, mais la seule personne intimidée par cette action est elle seule. C'est tout de même bien ridicule, quand on y pense. Heiata, elle, ne broncha même pas, son regard froid ne lâchant pas le sien. Elle n'était ni effrayée, ni intimidée. Ni même un peu surprise. GrOtEsQue. Simplement GrOtEsQuE, qu'elle avait dit. La bonne blague. Et le meurtre de la prophétesse, n'est-il pas grotesque à ses yeux? ... Et pourquoi devrait-elle se présenter? C'est idiot. Elles ne sont pas là pour apprendre à se connaître, ce n'est pas un dîner aux chandelles. C'est un interrogatoire. Pour un meurtre. Ses propos étaient certes faux, la réaction de la jeune femme était aussi "grotesque" que ce qu'elle repprochait à Heiata.

Elle ose tourner les accusations vers elle, en plus, pour sa brume. C'est bien pathétique-- retourner les accusations vers celle qui l'interroge... pour un pouvoir, en plus? Enlever la vie... est un acte horrible. Tout simplement... horrible. Personne ne devrait enlever la vie. Personne... et la voir, l'accuser ainsi? C'est idiot.

« Vous êtes drôle, madame la suspecte, c'en est presque triste. »

Heiata a le regard froid, tellement froid. Ses sourcils, légèrement froncés. Si cette femme croit qu'elle peux l'écraser... c'est qu'elle est aussi naïve que ce qu'elle semble croire d'Heiata. Elle parle beaucoup plus qu'à l'habitude, c'en est étrange, même pour elle. Mais c'est pour Seren... et elle ferait tout pour Seren... même agir d'une telle manière.  

« Qu'essayez-vous de faire, exactement? Vous croyez que nous jouons à la balle? Le but n'est pas de relancer bêtement les accusations, vous savez. Ça ne vous sauvera pas. »

Elle croise les bras, à son tour. Elle ne sourit pas, son expression est glaciale, même. Elle n'a pas peur, et ça paraît. Elle ne fit aucun commentaire sur la brume, après tout, si elle connaissait un minimum le monde extérieur, elle saurait que la brume est un gaz. Ce n'est donc pas solide. Elle ne peux donc pas transporter quoique ce soit, comme une arme. Logique, duh.

De l'arrogance plein le coeur, de l'ignorance ridicule à chaque recoin de sa tête; voilà ce qui semble composer Iota. Ceux qui se croient meilleurs que tous ne peuvent pas être raisonnés par les mots, aveuglés par leur propre reflet de gloire et supériorité, aussi faux soit-il. Ils ne remarqueront leurs erreurs que lorsque la solitude les frappera... et avec une telle attitude, ce n'était pas improbable qu'elle ait tué la prophétesse. Une native. Iota déteste les natifs, et ça parait, et avec sa mentalité, la seule vie qui importe est la sienne. Heiata l'observe, son calme légendaire toujours bien en place sur son visage, mais au fond, elle était furieuse qu'une si terrible personne soit en face d'elle, à lui balancer des mots plus insolents les uns que les autres.

« Oh... alors vous êtes une de ces pathétiques personnes qui se croient supérieures à tous... je vois. Ça explique bien des choses... c'est néanmoins une bien dangereuse mentalité, Iota. Ne vous étonnez pas d'être suspectée. »

Elle ignore ses commentaires, les jugeant totalement insignifiants. Elle veux l'énerver, la mettre à bout; mais ça ne fonctionnera pas. Pas avec Heiata. Son air, toujours aussi froid, la fixe toujours-- imperturbable. La jeune femme de brume ne semble atteinte par aucun de ses commentaires, les analysants plus qu'autre chose, en apparence.

« Je ne suis plus du tout étonnée de vous avoir vu dans la forêt, maintenant. C'est presque une évidence... vous détestez mon espèce, pire encore, vous vous considérez comme supérieure à nous. Comme si nos vies n'avaient pas d'importance... »

Elle n'est pas du tout un bon exemple pour la société. Heiata ne comprend pas comment elle a bien pu faire pour se retrouver dans le conseil des quatre. Note importance pour les humains: Il ne faut pas embaucher avec les facultés affaiblies, enfin! Pour Heiata, c'est une évidence, mais apparemment, les humains trouvent ça pertinent de laisser une telle personne être dans ce conseil. Ridicule...

« Vous aviez quelque chose dans vos mains, cette nuit-là... je suppose donc que c'était une arme humaine. Où est-elle, maintenant, cette arme ? »

Heiata se prépare d'avance à ce qu'elle lui réponde aussi bêtement que tout à l'heure... après tout, pour accuser de la brume, et très visiblement détester les natifs pendant un interrogatoire sur le meurtre d'une native, il faut bien avoir une théïère à la place de la tête... elle avait également remarqué son léger mouvement sur le ventre, sans aucune pression. L'herboriste le retiendrait pour plus tard.

Elle l'observe un moment, absolument pas surprise. Évidemment, elle devait agir en parfaite petite idiote, encore. Elle tape du pied, sourit d'un air fier et arrogant-- elle recommence à lancer l'argument vers Heiata comme une enfant qui joue au ballon. Mais n'avait-elle pas dit qu'elle ne jouait pas, plutôt ? Elle doit sans doute y jouer seulement quand ça l'arrange... et pour l'accuser bêtement, en plus ? Ridicule... tout ceci n'était qu'une perte de temps.

« Je trouve cela ironique qu'une supposément "spécialisée en environnement" ne sache même pas ce qu'est de la brume... vous avez déjà posé les pieds dehors, au moins ? »

Elle croise les bras, un léger air ennuyé sur le visage. Les idioties de la femme en face d'elle ne l'amusaient ni ne l'affectaient, présentement à la sienne-- elle était seulement ennuyée, comme lorsque ses parents, ayant une mentalité similaire, lui disaient un ennième discours à propos de choses qui ne l'intéressaient pas.

« De la brume, ce n'est pas solide, comme un nuage. Oh... peut-être faites-vous partie de ces gens qui croient que les nuages sont aussi doux que des boules de cotons? Je ne serais pas surprise, avec votre logique.  »

Elle se moque, voyant bien que cet interrogatoire ne mènerait à rien.

« Vos vérités semblent bien peu crédible, pour le coup. »

Les bras toujours croisés, elle semble vaguement ennuyée par la situation-- ce qui est déjà bien avec le peu qu'elle montre. Cela ne la surprenait pas, mais de là à la voir se ridiculiser elle-même... pour une personne qui se croit meilleure que tous, c'est assez ironique.