Pas une route. Pas un chemin. Pas même un sentier. Rien de tout cela n’apparaissait autour d’Aata. Juché au sommet d’une petite colline, il scrutait le paysage qui l’entourait dans toutes les directions. Sa vue n’était plus aussi bonne que dans sa jeunesse, mais il conservait toujours un œil relativement perçant. Ce n’étaient donc pas ses sens qui le trompaient. Il lui fallait se rendre à l’évidence : il était perdu.
Le natif n’aurait su dire quand il s’était éloigné du chemin qu’il avait suivi avant cela. Trop concentré sur la tâche qui était sienne, il avait oublié de garder un œil attentif sur ce qui aurait pu lui servir de repères. A la recherche d’une fleur bien précise, rare, et dont les racines réduites en poudre produisaient un puissant anti-douleur, il avait vagabondé, le nez rivé sur le sol à ses pieds. Et, peu à peu, il avait dérivé sur l’océan de verdure qu’était la prairie Hune.
Quand, enfin, il avait trouvé un large tapis de la fleur tant recherchée, la nuit s’apprêtait à tomber. Tout juste avait-il eut le temps d’en déraciner quelques spécimens, en prenant soin d’en laisser vivre suffisamment pour que le parterre sauvage se renouvelle. Une fois sa tâche accomplie, il n’eut d’autre choix que d’établir son campement sur place, la lumière du marmara étant devenue trop faible pour qu’il puisse reprendre sa route.
Au petit matin, il constata avec étonnement qu’il n’avait aucune idée de la direction par laquelle il était arrivé là. Loin de s’en inquiéter, il s’était mis à marcher mais avait bien vite comprit qu’il ne reconnaissait rien de ce qu’il voyait. Avait-il vu cet arbuste la veille ? Il n’en était pas certain. Et ce petit étang, au loin ? Aucune idée. Amusé par sa propre bêtise, il se mit à rire tout seul. Comment un vieillard tel que lui, qui s’enorgueillissait de l’expérience qui était la sienne, avait-il pu bêtement oublier de regarder plus haut que le bout de son nez ?
N’ayant pas d’autre option, il décida de marcher en direction du Sud-Ouest. Ainsi, s’il jouait de malchance et ne trouvait ni route, ni habitation, au moins finirait-il par quitter la plaine tout en se rapprochant des montagnes qu’il connaissant bien mieux.
Juché au sommet de la colline, il s’accorda quelques minutes de repos. Lui même n’était pas pressé, mais il faisait passer ses clients et ses patients avant ses propres intérêts. Il ne pouvait donc perdre trop de temps à se reposer. Quand il se releva, il prit soin d’observer à nouveau attentivement la plaine qui s’étendait à perte de vue autour de lui, jute au cas où il remarque un détail qui lui aurait échappé plus tôt.
Alors, contre toute attente, il vit au loin une silhouette qui ne pouvait être celle d’un animal. Il prit alors une grande inspiration, profitant de son souffle extraordinaire, avant de crier aussi fort que possible.
« Hé, vous, là-bas ! Attendez-moi ! »Il était trop éloigné pour voir si la personne au loin l’avait entendu. Espérant que ce soit le cas, il dévala la pente de la colline en direction de cet inconnu qui avait réveillé en lui l’espoir de retrouver son chemin. Tout en continuant de le héler, Aata avançait à grands pas. Arrivé au pied du petit mont, il ne pouvait plus voir la silhouette mais il était certain, étrangement, qu’elle l’attendait un peu plus loin. Rasséréné par cette certitude, il se mit à courir, adoptant la foulée gracieuse qui en étonnait plus d’un...