Dès la naissance, Siobhan était promise à un avenir aussi radieux que confortable. Née dans une famille influente et de parents qui s’aimaient, elle venait au monde avec une cuillère d’argent dans la bouche. Son père avait bâti un véritable empire dans la recherche et le développement d’armes et travaillait en étroite collaboration avec l’armée tandis que sa mère, plus humble, avait autrefois été une employée de son mari. C’est donc dans ce cadre de rêve qu’elle grandit, dans les beaux quartiers de Nui, entourée de ses parents et de son frère aîné, Allistair.

C’était une gamine pleine de vie, enjouée et curieuse du monde qui l’entourait. Bref, une enfant épanouie. Son rêve était à l’époque de devenir une exploratrice spatiale en vue de découvrir une nouvelle planète à coloniser. Une Gahïa Li bis, en quelque sorte. S’il y avait des natifs ici, qui sait quelles races les autres mondes abritaient. Ces questions fascinaient la jeune Siobhan.

Son frère et elle, n’ayant qu’une année de différence, étaient très proches. Il y avant entre eux une complicité comme peu de frère et sœur partageaient. Elle avait douze ans lorsque la famille accueillit un nouvel enfant. Répondant au doux nom de Caoimhe, la petite fut accueillie à bras ouvert et Siobhan, telle une grande sœur exemplaire, la couvrit d’affection.

Le couple Cahill connut des tensions durant l’année qui suivit. La raison exacte, l’enfant qu’était Siobhan ne s’en souvenait pas. Elle se remémorait juste des disputes, des pleurs, … et puis plus rien. Un beau jour, leur mère s’en alla pour ne plus jamais revenir. Ce qui lui était arrivé ? Un mystère. Encore aujourd’hui, ses enfants n’avaient aucune idée de ce qui lui était arrivé. Ce fut une période difficile à vivre pour Siobhan qui était très attachée à sa mère et ne supportait pas l’idée de ne plus la voir. Elle ne savait même pas si elle était toujours vivante…

C’était une gamine intelligente. Elle était douée, il n’y avait aucun doute. Première de classe, populaire auprès de ses camarades et appréciées de ses professeurs, elle faisait partie de ces élèves qui avaient du potentiel et qui savaient l’exploiter. L’accès aux plus grandes universités lui était assuré, une chance qui faillit lui passer entre les doigts quand un nouvel événement vint bouleverser son quotidien.

Pendant des semaines on ne parlait que de cela à la télévision et dans les journaux. Le lien entre Fraech Cahill, le patriarche, et des groupes peu recommandables, avait été exposé au grand jour. Un scandale qui avait fait la une des médias. En quelques jours, Siobhan avait eu l’impression de tout perdre. Son nom avait été sali, son père traîné dans la boue puis emprisonné ainsi que sa nouvelle épouse, qui trempait elle aussi dans ces affaires. Tout s’écroulait pour elle. Après avoir perdu sa mère, voilà qu’elle perdait son père, un homme qui, derrière ses airs de bon père de famille, était en réalité loin d’être un saint. Elle ne s’en était jamais douté. Elle avait seize ans et jamais, pas une seule fois, elle n’avait supposé que son père soit un tel monstre. Ne pouvait-il pas se contenter de sa fortune, de sa renommée et d’être dans les bonnes grâces du gouvernement ? Visiblement non. Il s’était mis à traiter avec la pègre et d’autres gens malhonnêtes. Un coup dure pour l’adolescente.

Mais elle s’accrocha. C’était une fille déterminée, alors elle refoula ses sentiments au plus profond de son être et les cadenassa. Elle n’arriverait jamais à rien dans la vie si elle laissait les autres se servir de cela comme d’une arme contre elle. Les autres avaient été méchants avec elle, cruels parfois. Combien de fois n’avait-elle pas entendu un parent déconseiller à son enfant de rester avec elle parce qu’elle n’était pas quelqu’un de fréquentable ? Trop souvent. Et ça faisait mal. Alors elle se barricada derrière son masque d’impassibilité, en prétendant ne pas être touchée par ces commentaires désobligeants. Et à force de faire semblant, la douleur passa. Ce ne fut pas la même chose pour son grand frère qui ne supporta pas cette situation. Lui qui rêvait d’une grande carrière dans la médecine, il abandonna cela peu à peu et se laissa entraîner par de mauvaises fréquentations. Un nouveau point noir dans l’histoire de la famille Cahill.

Elle se concentra sur ses études. L’un des seuls exutoires qu’elle avait encore. Elle parvint même à décrocher une bourse pour l’université des sciences économiques. Il était loin, son voeu d’explorer les cieux. Elle avait désormais cessé ces enfantillages et se concentrait sur des sujets bien plus terre-à-terre. Inutile de quitter cette planète quand il y avait encore tant à faire ici. Caoimhe resta à ses côtés. Trop petite pour comprendre, elle ne fut pas trop affectée par les événements. Les gens n’étaient pas monstrueux au point de s’en prendre à une enfant. Siobhan veillait sur elle et s’assurait qu’elle ne manque de rien. Heureusement qu’il restait encore la fortune familiale, sans quoi la jeune femme ne sait pas comment elle s’en serait sortie.

Les années passèrent et elle termina ses études avec un doctorat en économie. Docteur Cahill, rien que ça. Autant dire qu’après avoir traversé toutes ces épreuves, elle n’était pas peu fière d’en être arrivée là. La vie ne faisait que commencer pour elle. Elle n’avait que vingt-quatre ans, était douée et ambitieuse. Si l’avenir tout tracé qui lui était promis lorsqu’elle était enfant lui avait été arraché, elle comptait bien le reprendre et faire un pied-de-nez à tout ceux ayant traînée sa famille dans la boue. A partir de là, son ascension fut fulgurante. Quand on avait un cerveau et qu’on savait s’en servir, les portes ne restaient jamais fermées bien longtemps. D’abord nommée à un poste aux services des finances, elle grimpa les échelons jusqu’à se faire remarquer par l’un des conseillers en place. Un homme qu’elle appréciait beaucoup. Il ne tenait pas compte de son passé et ne semblait guère intéressé par son physique, tout ce qui lui importait était de savoir ce dont elle était capable. Plusieurs mois passèrent encore et, après avoir fait ses preuves, le conseiller avait pour elle une oreille toujours attentive.

Si cet homme, déjà d’un certain âge, pris sa retraite, le conseil garda un œil sur Siobhan. Elle ne siégeait pas avec eux mais elle était connue d’eux et estimée. Les choses demeurèrent ainsi jusqu’à tout récemment où, suite au départ de Navi et Iota, il y avait deux postes à pourvoir. Elle n’eut qu’à tendre la main pour avoir sa place. Y avait plus grand honneur que de siéger au conseil ? Elle devint la preuve vivante que, lorsque l’on s’en donnait les moyens, tout était possible. Elle occupe depuis ce poste et fait de son mieux pour que l’humanité puisse continuer à avancer.