Tu aurais cru au premier abord qu'elle t'aurait craché son venin à la figure. Mais même si Iota et toi n'étiez pas (plus) les meilleurs amis du monde, tu ne cachais pas ton affection à son égard. Il se traduisait le plus généralement par des sarcasmes et des regards appuyés, voir des rictus dévoilés.

Elle était sûrement une des seules d'ailleurs, à avoir été témoin d'autant de sourires de ta part. Tu n'en offrais pas à tous le monde et rare étaient ceux qui t'en provoquaient.
Dépitée par l'état de cette porte, elle sait que tu sais, ce qu'elle pense au fond d'elle. Frappant d'un coup de poing dans le mur, tu râles un bon coup pour évacuer ta frustration.

— « C'était peut-être le destin écoute. »

Cette fois, c'est ta tête, qui heurte la porte. Te maudissant, tu finis par te redresser tant bien que mal, pour la suivre à travers le couloir. Mains dans les poches et démarche désabusée, heureusement tu étais passé dans un établissement de restauration rapide (ce que tu fais quasi tous le temps par flemme de cuisiner).

— « Tu as tout compris, tu es tellement perspicace que j'en suis jaloux. »

Tu t'assois à la chaise qu'elle venait de t'envoyer et tu ouvres ton sac pour en sortir un sandwich coupé en deux. Tu hausses un sourcil en croisant son regard. Son ventre venait de grogner, elle avait sûrement autant faim que toi. Et le fait de ne pas laisser une femme mourir de sous alimentation était sûrement une de tes rares qualités.
Tu lui tends alors la moitié de ton repas et pose ta part sur ton bureau à côté de toi.

— « Qu'est-ce que tu faisais ici encore aussi tard ? »

Une question sérieuse. Tu fronces les sourcils en la dévisageant, bras croisés et prunelles inquisitrices. Tu ne pouvais t'empêcher de t'inquiéter pour elle Cassidy. Tu l'avais aimé, il y a longtemps. Et ton instinct de protecteur possessif reprenait parfois le dessus sur ta raison de solitaire insensible.

— « Et si j'insiste, c'est ce que je sais que ce n'est pas la première fois. Tu es fatiguée, et cela se voit. »

Elle ne peut s'empêcher de cracher son sarcasme, à croire que tu la voyais plus user d'ironie que de sincérité quand tu l'entendais parler. Mais c'est ce qui te plaisait, dans ta relation avec Iota. Vous étiez amis depuis longtemps, vous étiez même sorti ensemble... Mais votre relation n'avait pas été dégradé par votre rupture. Elle restait la même et toi ... et toi tu étais juste différent. Mélancolique torturé. Connard assumé.

— « Je le répète, mon plan a toujours été de passer du temps tous les deux ici une nuit Koras... Même si je t'avoue que j'aurai préféré de la moquette pour dormir par terre que ce putain de sol. Mon esprit stratège a ses limites, j'ai oublié les couvertures. »

Tu esquisses un rictus moqueur à son égard. Et fronce les sourcils quand elle te parle de poudre ou autre. De quoi elle parlait ? De maquillage ? Sans doute.
Tu ne pouvais pas vraiment confirmer ses dires, au vu de tes connaissances quasi inexistantes dans le domaine. Elle s'examine au travers d'un miroir et tu en profites pour terminer de manger. La lumière s'éteint subitement et tu te retournes vers la porte qui clignotait toujours en rouge.

— « Merde. »

Ta collègue ne semble pas plus effrayée que ça par la situation, vu qu'elle se permet encore de la dérision. Tu ricanes vaguement à son ton, concerné par la situation dans laquelle tu la mettais. Mais c'était ta seule chance de pouvoir la prendre entre quatre yeux, de substituer ses aveux. Alors qu'elle dérive la conversation, tu te lèves, craquant nerveusement tes doigts.

— « Kostas, tu fais toujours ça. Depuis qu'on se connait. Je te rappelle qui tu as en face de toi ou pas ? On n'essaie pas de berner Cassidy. »

Tu réduis l'écart qui vous sépare, posant tes mains sur les accoudoirs pour la bloquer sur son siège. Tes iris luisaient à la lueur des étoiles électriques qui brillaient dans le quartier.

— « Mon cerveau et mes jambes s'en sortiront. Mais et toi Iotas ? Pourquoi est-ce que tu ne t'accordes aucun répit depuis des semaines ? Je t'ai observé, tu n'as jamais été aussi tendue qu'en ce moment. De toute façon, tu ne peux pas t'enfuir alors.. alors tu ferais mieux de cracher le morceau. »

Tu étires tout de même un sourire chaleureux (et un peu narquois) pour la rassurer. T'allais pas la bouffer.

Iota était une femme intelligente. Tu ne pouvais pas nier ce fait établi. Mais elle était comme tous les bourreaux de travail, les acharnés de la performance, les un peu trop passionnés. Ils se tueraient à la recherche d'une vérité qu'ils ont eux-même fait miroiter.
Tu ne voulais pas intégrer le conseil pour cette raison, car tu avais trop soif de liberté, pour rester enchainé des années à quelque chose qui allait bien au delà de toute raison, de tout espoir... de toute signification humaine.
La sociologie était la seule science qui avait du sens pour toi. Elle pouvait facilement s'expliquer, car humain comme "Aliens", nous avions tous une morale et un égo. La prospérité de la race humaine avait toujours trouvé point de départ à la symbiose entre ces deux états.
La morale t'avait induit de protéger Iota. Ton égo t'avait tout simplement murmuré de la laisser tomber, si elle ne voulait plus de toi.
Toujours la même rengaine, toujours la même bataille.

— « Je pense que tu me connais suffisamment pour savoir la réponse. »

Un simple conseil.
Ses yeux perçants croisent les tiens, tu es presque ébloui par leur lueur. Tu avais déjà oublié pourquoi elle t'avait plus au premier regard.
Et alors que tu viens poser tes doigts contre sa tempe, mais sa langue se délie enfin. Tu l'écoutes d'abord avec attention, avant de faire claquer ta langue sur ton palais.

— « "Tu crois ne plus être si loin ! Haha laisse moi rire, si tu réussis à percer un secret, tu en trouveras toujours d'autres. Encore des mystères et toujours des mystères. Tu ne vois donc pas que tout ça te rend folle ? Tu n'as jamais su te mettre des limites, Iota. »

Sauf entre nous.
Mais tu ne saurais dire si elle ment ou si elle dit la vérité. Disait-elle ça uniquement pour se rassurer elle même, elle avant toi. Se convaincre jusqu'à y croire.
Tu étais doué pour analyser les gens, Cassidy. Sûrement le meilleur. Mais tu avais toujours des doutes concernant ceux que tu avais un jour aimé.
Elle te provoque encore, et sa condescendance révèle ta concupiscence. Tu baisses les yeux sur son buste, fermant les yeux en sentant ses doigts à la naissance de tes cheveux. Dans un frisson, tu déclares d'un ton murmuré et arrogant.

— « Il faut bien. Tu fais toujours n'importe quoi. »

Et cette fois, c'est toi qui passe ta main sur son visage, glissant tes longs doigts dans son cou pour effleurer son épaule.

— « Honnêtement Kostas, que serais-tu devenu si je n'étais pas là pour te tirer vers la raison? »

Et tu tires la bretelle de son soutien-gorge pour le faire claquer contre sa peau. Ce n'est ni un ordre ni une menace. Toujours un conseil.
Tu recules, la toisant presque avec douceur.

Alliez-vous finir par vous détester, à force de vous repousser sans jamais oser vous lier ? Vous étiez deux électrons, tournoyant sans cesse, vous entrechoquant avec vigueur. Mais aucun de vous ne pouvait fusionner en douceur.
Tu la détailles avec attention, cherchant instinctivement un élan de faiblesse de sa part. Elle était aussi dure, aussi taciturne que tu l'étais. Mais son sarcasme te faisait sourire. Elle était ta pauvreté. Tu étais son anorexie.

— « Une vilaine fille tu veux dire ? Oh ça oui, tu l'as toujours été.  »

Tu étires un sourire moqueur, clairement sous-entendu. Mais ton regard s'assombrit soudainement alors que tu serres les poings. Tu finis par désamorcer avec légèreté.

— « Ne dis pas de bêtises, tu serais incapable de faire du mal. C'est moi, le profil de celui qui a toujours tout gâché, ici.  »

Des excuses informulées, que tu ne relèveras plus jamais.
Un bruit se fait entendre et tu sursautes avec retenu. Tes yeux viennent chercher la provenance, aux aguets. Tes jambes vibraient déjà, sous les impulsions que tu leur donnais en contractant les cuisses. Dents serrées, tu marmonnes un truc ressemblant vaguement à un "jamais tranquille ici bordel" et tu poses une main sur l'arme que tu portais à la ceinture, cachée sous ton gros sweat. Mais alors que deux petits robots nettoyeurs se rapprochaient, tu décidas de ne pas les attaquer, plutôt de vous dissimuler à leur travail.

— « Que dalle, viens !  »

Sans réfléchir, tu saisis Iota par les hanches pour la placer sur ton épaule, comme un sac de sport trop lourd (#çapousselafonte) et tu fonces vers le placard le plus proche. D'un revers de main, tu pousses les éprouvettes et les piles de travail de Navi. Tu rangeras tout plus tard avant qu'elle ne s'en rende compte (spoiler : tu l'as pas fait) et t'installes avec ta collègue pour refermer le placard.

— « Pire plan de l'année : on va se planquer et attendre qu'ils nettoient notre zone. Ils vont débloquer et réparer la porte, ça sera notre chance pour filer juste après.  »