Un meurtre. Depuis quand il se passait ce genre de choses à Gahia Li. C’était étrange, intriguant même. Et pourtant, je n’arrivais pas à m’enlever des questions qui germaient tout le long de ma journée après cette réunion. Il y avait clairement des choses qui ne collaient pas et je ne saisissais pas le motif de certains suspects. Me frottant les mains pour les aider à se réchauffer, je m’avançais finalement vers ce lieu où ils étaient tous retenus. Natifs comme Humains.

Etrangement, je ne soupçonnais pas un humain de s’en être pris à la Prêtresse suprême. Enfin pas pour le moment. J’étais surprise de voir Caleb parmi les accusés, mais en même temps avec son caractère, quelque chose me disait que… Ouais je pouvais comprendre les soupçons de la Justice à son égard. J’avais besoin de détails, beaucoup plus de détails. Et de ce que j’avais compris, l’un d’entre eux avaient découvert le corps. Donc vu la scène. Valara, la prophète intermédiaire.
Entrant dans la salle où elle se trouvait, suivant les procédures nécessaires de la police. Je m’assis, plantant mon regard dans le sien. Natif ou pas, je voulais juste savoir. Elle faisait facilement dix centimètres de plus que moi ainsi que dix kilos de plus. Elle pouvait me tuer instantanément.

« Bonjour Valara. Comme tout ceux avant moi, j’ai quelques questions à vous poser. Il y a quelques petites choses qui m’échappent, comme votre ressenti de la situation, la position de la défunte, le sang sur le roc, la profondeur ainsi que la forme des trous. Donc pouvez-vous me restituer la scène, s’il-vous-plaît ? »

J’essayais d’être polie, tout de même, elle était importante dans la religion native. Prête à prendre des notes, je sortis mon stylo, calepin à la main, fixant la Native de mes grands yeux fauves.

Je commençai aussitôt à gribouiller tout ce qu’elle me disait, je visualisais la scène tout le long de ce qu’elle me racontait. Presque j’aurai tenté de le dessiner pour mieux le retenir, cependant je n’avais pas le temps. Et je n’avais surtout pas envie de faire revivre quelque chose de traumatisant à cette prophétesse. Une fois les quelques notes prises, j’acquiesçai pour la remercier de cet effort. D’avoir revisionné tout cela pour m’aider à mieux comprendre les circonstances.

« Je suppose que vous ne vous êtes pas blessée dans ce cas. »

C’était simplement une insinuation, rien de plus, je l’observais. Elle qui avait l’habitude d’être si solennelle. Je me retins de faire un commentaire, je n’étais pas de son peuple. Peut-être était-ce mieux que je ne dise rien, c’était peut-être déplacé.

« Pouvez-vous me décrire les trous plus en détails ? Pourtour de la plaie, profondeur, si quelque chose était dedans. Tout ce qui vous vient à l’esprit. Je suis désolée de vous importuner avec de tels souvenirs. »

Je lui fis un petit sourire désolé. Je ne savais que dire de plus que cela. Je me tenais prête à écrire. A noter tout ce qu’elle pourrait me dire, tout ce qu’elle pourrait me rappeler. Mais surtout tout ce qui pourrait confirmer mes doutes.

Je sentis le froid envahir l'endroit, je resserrai doucement les doigts autour de mon stylo alors que je continuai d'observer Valara. Déclenchait-elle un quelconque don pour m'intimider ? Si c'était le cas, j'avais juste encore plus froid. Et voir les dons en action m'intriguait toujours. J'inspirai lentement pour reprendre conscience de la situation. Elle m'avait plutôt bien aidé avec ce qu'elle venait de formuler. Il ne semblait n'y avoir rien dans la plaie. Pas de balle, donc ? Si c'était le cas, c'était peut-être une lance, un pic ? Je dessinais rapidement l'idée que j'avais en tête, alors j'inspirais profondément. J'avais envisagé de vérifier l'abdomen sauf que...

"Je ne voudrais pas manquer de respect en vous demandant de vérifier les plaies. Cela sera pourtant la dernière chose que je vais vous demander."

J'étais vraiment mal à l'aise. Je commençai à rougir même d'oser demander ça à la prophétesse, me cachant un peu derrière mon immense carnet. Mes yeux dépassant à peine. J'étais mal à l'aise de demander ça. Vraiment. Mais c'était la dernière chose qui se formait dans mon esprit. J'avais déjà plusieurs tableaux qui se peignaient. Même certains incohérents. Je posais le carnet où déjà quelques croquis de Valara se dessinait dans un coin avec plus ou moins la scène face à elle, croquis que j'avais fait très brièvement et qui ne ressemblait pas à une oeuvre d'art. Juste des morceaux épars de ma pensée. Je me redressais alors pour lui faire face, prête à l'aider au besoin. Je n'avais besoin de vérifier que l'abdomen.

"Si vous voulez bien vous donner cette peine."

J'avais en réalité au fond de moi, une boule immense de demander ça à quelqu'un de son importance. Si j'avais probablement été moins curieuse, j'aurai plutôt préféré crever que demander ça à Valara. Mais c'était peut-être moins gênant pour elle d'être devant une femme. Certes je n'étais pas une native, mais j'espérai qu'elle comprenne que je ne voulais pas bafouer quoique ce soit, et qu'un peuple qui m'avait toujours été amical devait retrouver la paix. Qu'est-ce qu'il serait passé si on m'avait pris un des miens ?

Je me levai quand elle commença à se dévêtir. J’étais clairement gênée par cette personne intimidante, mais comme toujours la curiosité pris le pas, je me levais observant le bas ventre de la prophétesse, scrutant la peau blanche de la demoiselle, avant de me glisser en quelques pas pour observer le dos. Etait-il blessé également ? Car une de mes théories étaient que la personne aurait pu être surprise par le roc, par l’attaque et se soit blessé simplement le dos, en l’évitant. Quelque chose de simple, idiot, j’observai tout cela avant qu’elle ne s’habille.

Est-ce que je voulais voir quelque chose, j’écarquillai les yeux surprise. J’avais bien des questions mais également d’autres choses que je voulais savoir sur eux, Natifs, cependant, on frappa à la porte pour me signaler que le temps s’était écoulé. J’eus un sourire pour Valara.

« Mes excuses, si vous vous êtes sentie offensée par mon comportement, je ne voulais pas vous couvrir de phrases excessives qui allaient vous sembler hypocrites. Bonne chance Valara. »

Je glissais mon carnet de notes dans mon sac, là où s’entassait un autre carnet de dessins et certaines affaires personnelles. Je tirais les manches de mon gilet beaucoup trop grand sur ma carrure si frêle. Je fis un signe de tête respectueux à Valara avant de quitter la pièce calmement, laissant le garde m’escorter vers l’extérieur.